Tours, cathédrale Saint-Gatien (cloître de la Psalette)
Le cloître de la Psalette, situé au nord de la cathédrale Saint-Gatien, constitue un ensemble architectural remarquable, emblématique de la vie religieuse et intellectuelle du chapitre. Accolé à la cathédrale, il s’organise autour d’une cour centrale suivant un plan quadrangulaire. Trois galeries voûtées encadrent l’espace : la galerie ouest, comportant huit travées au rez-de-chaussée et sept à l’étage ; la galerie nord, qui en compte dix ; la galerie est, avec cinq travées. À l’angle nord-est, un escalier hors-œuvre en vis se dresse devant une petite chapelle. Cet escalier, souvent comparé à celui du château de Blois parfois de manière peu pertinente, offre un témoignage précieux de l’architecture Renaissance en Val de Loire (Thomas 2010, p. 188). À l’étage, deux salles majeures étaient dédiées à la copie et à la conservation des manuscrits du chapitre, abritant jadis le scriptorium et la librairie.
La construction du cloître s’est déroulée en deux grandes campagnes. La première, datée de la seconde moitié du XVe siècle, concerne l’aile ouest, édifiée sur deux niveaux, ainsi que la première travée de l’aile septentrionale. Selon le chanoine Maan, la galerie du rez-de-chaussée et la bibliothèque du premier étage furent réalisées sous l’épiscopat de Jean de Bernard (1441-1465) (Maan 1667, note 2, p. 178, XIV : Boissonnot 1916, p. 3 ; Rapin, Noblet 2022, p. 91) et étaient étroitement liés à l’ambassade auprès du pape Pie II, qui permit d’obtenir de nouvelles indulgences en 1459 (Maan 1667, p. 177, XVI). Le chantier se prolongea cependant dans le temps : en 1471 des tailleurs de pierre travaillaient sur les murs de la bibliothèque (Tours, AD Indre-et-Loire, G 157 : Rapin, Noblet 2002, p. 91) et la couverture de l’ouvrage fut achevée sous l’épiscopat d’Hélie de Bourdeilles (1468-1484), connu pour ses contributions financières aux chantiers tourangeaux (Maan 1667, note 2, p. 179, V). La pose de la couverture ne marqua pas nécessairement l’achèvement des travaux : à la cathédrale Saint-Gatien, par exemple, la réalisation des voûtes, des remplages et des vitraux a souvent été en effet différée. Dans le cas de l’aile ouest du cloître, l’homogénéité de la structure et des décors plaide en faveur d’une exécution rapide. Si la première campagne de construction peut donc être située entre 1459 et 1484, la seconde campagne se déroula, selon les comptes du chapitre, entre 1513 et 1524 (Boissonnot 1909, p. 109, note 1) sous la direction de Martin François, maître des œuvres de maçonnerie de l’église de Tours. Elle vit l’ajout des galeries nord et est, de l’escalier en vis et du petit scriptorium de trois travées situé au-dessus de la galerie nord. Alors que la galerie érigée au XVe siècle adopte un style gothique flamboyant, l’escalier, le scriptorium et le décor général des galeries nord et est illustrent l’esthétique de la Renaissance avec ses ornements sculptés et ses baies ouvertes.
Le cloître fut partiellement détruit à la Revolution : les colonnes et les clefs de voûte des galeries furent mutilées et les liernes de la travée située devant la chapelle nord-est du rez-de-chaussée entièrement détruites, entrainant probablement aussi la perte d’une partie de son décor et des armoiries qui pouvaient s’y trouver. Puis, en 1802, la distribution médiévale de l’aile ouest fut profondément altérée, notamment avec la démolition de la salle capitulaire pour permettre l’ouverture d’une nouvelle rue (Tours, Arch. dioc., reg. cap., 1803-1815, p. 15, cité par Noblet, Rapin 2002, p. 94). Cette transformation rompit la communication entre la bibliothèque et la tour nord de la cathédrale, dont l’arcade murée reste visible. Malgré ces pertes, les restaurations menées au XIXe siècle par les services des Monuments historiques, qui classèrent l’édifice en 1889 (POP), ont permis de préserver les vestiges et de restituer certains éléments.
De nombreux éléments armoriés, en partie bûchés, parsèment encore la structure. Dans un souci de clarté, nous proposons une analyse chronologique et spatiale des armoiries de la bibliothèque, en prenant d’abord en compte l’aile ouest, avant de nous tourner vers les ailes nord et est, afin de mieux appréhender l’évolution du programme héraldique, ses lacunes et ses particularités. Particulièrement affecté par les actes de vandalisme, le rez-de-chaussée du cloître ne présente aujourd’hui que trois écus sculptés, situés sur les clefs de voûte de la septième et de la huitième travée de la galerie ouest, et une sur celle de la première travée de l’aile nord (armoiries 1-3). Appartenant à la première campagne de construction (1459-1484), ils ont été soigneusement bûchés et résultent ainsi illisibles. Ils faisaient probablement partie d’un ensemble armorié plus large : en effet, même si les voûtes des autres travées du cloître ne présentent plus aucune trace d’écussons anciens, l’hypothèse selon laquelle des armoiries étaient présentes sur toutes les clefs de voûte semble plausible. Une disposition héraldique restreinte à ces seuls emplacements serait étonnante, notamment parce qu’elle ne serait associée ni à un passage ni à un endroit particulièrement marquant. Des traces de polychromie, encore discernables sur les arcs des clefs des travées mentionnées, notamment à l’intersection des galeries ouest et nord (armoirie 3), renforcent en outre l’idée que les armoiries conservées appartenaient à un programme décoratif plus vaste.
Il est d’ailleurs possible que les armes représentées au rez-de-chaussée trouvaient une correspondance dans celles encore aujourd’hui visibles au premier étage, les deux niveaux appartenant à la même campagne de construction. Leur présence permet ainsi de corriger l’hypothèse de Maan qui attribuait l’origine de la construction du cloître et son programme décoratif aux archevêques Jean Bernard (1441-1466) et Hélie de Bourdeille (1468-1484). Commencée effectivement sous l’épiscopat de Jean Bernard, la construction fut en réalité rendue possible grâce aux libéralités de Raoul Le Ségaler, chanoine de Tours dès 1440 et archiprêtre de Saint-Maur à partir de 1451, dont les armes sont visibles sur les clefs des deuxième (armoirie 9a), quatrième (armoirie 9b) et sixième travées (armoirie 9c). À la difference de ces familiers, Raoul, qui est également connu comme possesseur de manuscrits (Initiale), n’utilisa pas les armes paternelles (d’azur au sautoir d’argent, accompagné de quatre quintefeuille du même : Le Borgne 1667, p. 266). Il employa les armes de la famille de sa mère, une Boiséon (Potier de Courcy 1862, t. 1, p. 84), qu’il brisait par l’ajout d’un huchet (Bossebœuf 1909, p. 23, note 1) : un choix surprenant qui se rattache probablement à la pratique relativement courante dans l’héraldique de prélats au XVe siècle qui ajoutaient dans l’écu une mention des armes maternelles pour en tirer prestige et distinction et notamment pour se démarquer du reste de leur fratrie (Hablot 2019, p. 84), comme le fait, par exemple, Pierre d’Amboise, évêque de Poitiers (dont les armes sont reproduites sur plusieurs édifices de son diocese : Dissay, église Saint-Pierre-et-Paul).
Présentant encore des traces de polychromie, les écus aux armes de Raoul Le Ségaler dans la bibliothèque de la cathédrale sont insérées dans des encadrements sculptés de feuilles de chou, parfois très élaborés (notamment sur la sixième travée), collés sur des ogives peintes avec une alternance entre le vert, le rouge et l’or. Leur repetition sur les voûtes de la galerie est du cloître fut sans doute possible en raison du financement important que le chanoine dût assurer au chantier. Nous savons en effet que, évalué à 1200 écus d’or, le mécénat de Raoul Le Ségalerpermit de financer la construction de la bibliothèque, mais également d’autres œuvres, comme des vitraux et le portail sud de la cathédrale (Bourassé 1865, p. 66 : Rapin, Noblet 2002, p. 92).
L’organisation des armoiries dans la librairie semble strictement liée à la circulation dans cet espace au moment de sa construction, fortement altérée par les modifications réalisées au cours de siècles.
En effet, alors que l’accès à la bibliothèque se fait aujourd’hui par le scriptorium au nord, à l’origine on accédait à la bibliothèque par la salle capitulaire, située au sud, par une porte murée par la suite. Par ailleurs, des traces de cloisonnement dans le pavage des premières travées indiquent qu’une partie de la salle avait été isolée pour abriter les archives du chapitre dans un espace de 15 pieds par 15 pieds que l’on trouve encore signalé au XIXe siècle (Tours, Arch. dioc., reg. cap., 1823-1843, p. 15-16 : Noblet, Rapin 2002, p. 92). Il est en outre probable que la lisibilité de l’ensemble originaire soit polluée par les restaurations du XIXe siècle, dont l’ampleur souvent nous échappe. Ces éléments doivent être tenu particulièrement en compte dans l’interprétation du ‘programme’ des voûtes armoriées de la galerie est qui se complète par un écu tout à fait similaire à ceux que l’on vient de décrire (armoirie 8) : placé aujourd’hui à l’entrée de la galerie, il se trouvait en réalité à son terme. Bien que l’écu armorié soit dépourvu de traces de polychromie et soit inséré dans un cadre sculpté plus simple de celui qui caractérise les autres clef de voûte, même s’il est toujours décoré de feuilles de chou, il est probablement authentique. Nous noterons cependant qu’il ne porte pas les armes brisées de Boiséon utilisées par Raoul Le Ségaler, mais celles pleines portées par la famille de la mère de celui-ci, originaire comme les Le Ségaler des environs de Tréguier, en Bretagne. Les raisons de ce choix restent inexpliquées. Raoul souhaitait-il souligner ainsi son héritage familial ou rappeler la forme originale de ses armoiries avant leur brisure ? Ou devons-nous croire que le sculpteur ait omis d’ajouter le huchet aux armes des Boiséon ?
Les clefs de la troisième et de la cinquième travées, qui partagent des caractéristiques similaires, posent également question. La clef de voûte de la troisième travée se distingue par un encadrement étoilé décoré de feuilles de chou : entièrement blanche, elle est la seule clef de la librairie à ne pas avoir porté d’armorie, ce qui nous semble suspect à l’intérieur d’un ensemble que se signale par sa coherence. Quant à la clef de la cinquième travée (armoirie 4a), elle porte un écu à la croix pattée dans laquelle nous pouvons reconnaître les armes du chapitre de Saint-Gatien dont la présence peut paraître incongrue par rapport au programme que nous venons de décrire. Cette présence pourrait cependant indiquer une participation financière de la caisse canoniale ou, à tout le moins, une affirmation de propriété et de direction générale de l’ouvrage, symbolisée ici par cette « signature » institutionnelle, que nous retrouvons d’ailleurs dans les parties plus récentes du cloître.
La dernière travée (la première selon le sens de circulation médiéval) arbore les armes de Guy de Versailles, préchantre du chapitre de 1456 à 1498 (armoirie 10), avec le lion issant placé au milieu du chef et non pas « rampant » et « au canton senestre » comme nous le trouvons parfois indiqué (Busserolle 1867, p. 1019) : ce qui nous montre une fois de plus les variations formelles que l’héraldique monumentale peut présenter par rapport aux armoiries figurant sur d’autres supports ou décrites par les érudits. Bien que les sources ne mentionnent pas explicitement une participation financière de Guy de Versailles à la construction de la bibliothèque, son implication dans la vie du chapitre et son statut d’homme de lettres et de livres attestent de son rôle dans le développement intellectuel et matériel du chapitre au milieu du XVe siècle. En effet, Guy de Versailles, chancelier du chapitre après Jean Bernard, fut nommé par le pape Eugène IV et occupa cette fonction jusqu’en 1442, date à laquelle Jean Bernard fut élu évêque de Tours. Par la suite, Guy de Versailles échangea sa dignité contre celle de chantre, qu’il occupa jusqu’à sa mort en 1498 (Bossebœuf 1909, p. 20). Or, cette période correspond précisément à la construction des premières galeries et de la bibliothèque capitulaire : Il semble naturel qu’un dignitaire de son rang, disposant de moyens financiers significatifs, ait souhaité contribuer à cette grande œuvre. L’emplacement de ses armoiries, situées à l’extrémité sud de la galerie, près de l’entrée la plus proche de la cathédrale, témoigne de son importance symbolique dans le programme héraldique, même si sa contribution au chantier fut probablement moindre par rapport à celle de Raoul Le Ségaler, dont les armes étaient représentées plusieurs fois.
Les armes de France apparaissent étonnamment une seule fois et dans un endroit mois relevant du complexe architectural, puisqu’elles sont sculptées au culot de la colonne soutenant les ogives et l’arc doubleau de la troisième et quatrième travée (armoirie 11), unique exemple d’armoiries affichées dans les parties basses de la bibliothèque. Curieusement échappées au marteau révolutionnaire, peut-être parce que dissimulées derrière un armoire au moment des troubles, elle présentent une composition assez originale : timbrées d’une couronne, dont les fleurons sont en grande partie détruits, elles sont tenue par deux oiseaux (des aigles ? des tourterelles ? des faucons ?) et non pas par des anges ou des lions qui, même dans la région (voir, par exemple, l’église Saint-Médard à Dierre), soutiennent les plus souvent les armes royales à cet époque. Une composition similaire semble semble trouver pour l’instant une seule comparaison possible avec un relief aux armes de Jeanne de France († 1433), fille de Charles VI et épouse du duc Jean V de Bretagne, sur la façade de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, dans lequel un couple de tourterelles soutient un écu en losange parti de Bretagne et de France (lavieb-aile). Cependant Jeanne de France n’eut aucun rapport avec la ville de Tours et notamment avec le chantier du cloître de la Psalette, qui débuta d’ailleurs bien après sa mort. L’usage d’oiseaux comme supports héraldiques pour les armes de France dans ce contexte précis demeure donc exceptionnel, soulignant l’originalité de cette représentation probablement liée à des choix symbolique qui nous échappent pour l’instant. Il faudra en outre observer que des traces de polychromie sont encore visibles autour des fleurs de lis. Il s’agit de restes des couleurs qui couvraient jadis intégralement l’écu armorié, comme en témoigne une photographie datée d’avant 1922 (Charenton-le-Pont, Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, MH0102488), mais que l’on devra vraisemblablement attribuer à une restauration d’époque moderne. L’emplacement réservé aux armes royales cependant interroge. Situées ni au centre symbolique de la galerie ni à un point de transition spatial évident, elles semblent déconnectées d’une quelque logique organisationnelle. Cela pourrait indiquer l’existence, à l’époque médiévale, d’un dispositif architectural aujourd’hui disparu, tel qu’une cloison ou une structure séparatrice, qui leur aurait conféré une signification plus prononcée.
Le marquage héraldique se poursuit pendant la deuxième campagne de construction du cloître (1513-1524), marquée par l’introduction du style Renaissance. Ce dialogue stylistique entre tradition gothique et renouveau italien se manifeste particulièrement à l’angle nord-est de la cour, où s’élève un escalier en vis hors-œuvre qui, résolument inscrit dans le répertoire de la Renaissance, contraste avec les arcs encore gothiques qui structurent les galeries. On y accède depuis une porte située dans la galerie orientale, encadrée de deux pilastres surmontés d’un pseudo-entablement à double corniche. Celui-ci est orné d’une frise dont l’inspiration italianisante est notamment reconnaissable dans les deux putti tenant un écu sculptés au milieu (armoirie 4b). Comme l’a souligné Évelyne Thomas (2010, p. 188), ce décor semble directement inspiré du tombeau des enfants de Charles VIII, réalisé par Michel Colombe et Jérôme Pacherot en 1499-1506, aujourd’hui conservé dans la cathédrale Saint-Gatien après son déplacement depuis la collégiale Saint-Martin. Même si l’écu a été totalement gratté, l’absence d’ornements extérieurs et la présence, en proximité de ses marges, de fragment de relief compatibles avec les extrémités d’une croix pattée laissent penser que les armes du chapitre de la cathédrale figuraient à cet endroit.
L’hypothèse est confirmée par le décor sculpté de l’escalier même. Au-dessus du premier niveau de fenêtres, trois panneaux délimités par des pilastres contiennent des reliefs figurés. À gauche, un décor antiquisant présente deux oiseaux encadrant une urne, tandis qu’au milieu deux créatures hybrides, mi-dragons, mi-dauphins, tiennent un écu dont la surface a été bûchée (armoirie 4c). Bien que l’examen visuel ne permette pas d’identifier de nos jours les armoiries effacées, une photographie réalisée par Louis Moreau (actif entre 1890 et 1930) révèle que l’écu portait une croix pattée, dans laquelle nous reconnaissons les armes du chapitre de Saint-Gatien (Charenton-le-Pont, Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, PA00098142, num. 45F003274). Cette croix apparaît également dans le relief du dernier panneau, sculptée sur les deux boucliers superposés, inspirés aux trophées d’armes romains. Les reliefs de l’escalier confirment donc la mise en valeur des armes du chapitre dans l’ensemble du cloître : échappées aux destructions grâce à leur aspect discret et leur positionnement à un endroit moins facilement atteignable, elles ont progressivement disparu par la suite en raison d’une usure naturelle, liée à la fragilité du tuffeau, un calcaire crayeux particulièrement vulnérable aux intempéries, ou d’interventions humaines ultérieures, probablement accidentelles.
Au même chantier des années 1513-1524 appartient aussi l’accès principal au cloître, situé à l’extrémité sud de la galerie orientale, en face du portail du transept nord de la cathédrale. Cette porte extérieure reprend les éléments stylistiques de l’entrée de l’escalier, avec un entablement décoré d’un rinceau au milieu duquel deux putti tiennent un écu aux armes du chapitre (armoirie 4d). Cette partie centrale du relief a été visiblement restaurée au XXe siècle par des sculpteurs médiocres, qui ont cependant fidèlement reproposé, dans l’iconographie, la composition d’origine que nous pouvons encore reconnaître dans une photographie de Louis Moreau (Charenton-le-Pont, Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, PA00098142, num. 45F003271). La présence de l’écu capitulaire à cet accès important du cloître met en exergue la présence d’une véritable stratégie de mise en signe de cet espace du complexe cathédrale par le chapitre de Saint-Gatien qui, tout en adoptant les nouveaux codes stylistiques de la Renaissance, vise à faire afficher ses armes à différents points clés des corps de bâtiment.
À l’étage supérieur de la galerie nord du cloître, le scriptorium présente également un décor héraldique remarquable. Les clefs de voûte des trois travées qui le forment présentent des écussons, désormais vierges, dont les formes varient tout en restant fidèles au répertoire que l’art héraldique renaissante d’inspiration italienne pouvait offrir, en conformité donc à une partie du chantier du cloître dans laquelle a été observée une assimilation progressive des formes ornementales de la Renaissance (Thomas 2010, p. 197). La première clef de voûte, située à l’entrée, affiche un écusson de type italien, reconnaissable à ses contours découpés et souligné par des rubans (armoirie 5). Elle est entourée d’une couronne végétale richement sculptée, formant un « chapeau de triomphe » dans lequel des grappes de raisin sont aisément identifiables. La clef centrale, en revanche, se distingue par son absence de couronne florale ou fruitière (armoirie 6). À la place, une couronne d’épines entoure un écusson dont les contours apparaissent plus élaborés, avec une échancrure marquée en partie supérieure et des bords qui commencent à s’enrouler. Enfin, sur la troisième clef, l’écusson initial a cédé la place à une plaque en cuir formant un médaillon (armoirie 7).
Il est encadré par une ligne de stries longues et régulières, inscrites dans un carré dont les sommets sont échancrés et dont les bords présentent un enroulement prononcé. Cet effet, associé à la couronne végétale qui entoure encore l’ensemble, traduit un raffinement décoratif abouti et pleinement inscrit dans l’esthétique de la Renaissance. L’absence, dans les écus, de fragments figurés, d’inscriptions ou d’autres indices ne permet d’identifier les armoiries qui étaient probablement peintes à cet endroit. En effet, si les rayures visibles sur les clefs suggèrent que leur surface a été grattée, supprimant peut-être un décor initial, l’absence de traces de bûchage profond, exclut la présence originaire d’une sculpture en relief.
En conclusion, le cloître de la Psalette illustre à la fois l’évolution architecturale et stylistique entre le gothique flamboyant et la Renaissance, ainsi que l’importance des mécènes dans la réalisation des programmes décoratifs. Les armoiries, bien qu’en partie mutilées ou restaurées, constituent un précieux témoignage des logiques héraldiques et symboliques qui structuraient cet espace religieux et intellectuel. Les contributions notables de figures comme Raoul Le Ségaler ou Guy de Versailles, associées à la complexité des restaurations du XIXe siècle, révèlent la richesse et les limites de l’étude de ce patrimoine.