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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Aigueperse, porte de la ville

 

L’enceinte médiévale d’Aigueperse, aujourd’hui disparue, fit l’objet d’une campagne de restauration et d’agrandissement qui débuta dès 1396 et s’étale jusqu’au début du XVe siècle (Vissière 2001, p.  154), époque durant laquelle la ville connut un renouveau économique et des changements institutionnels importants. En 1374, à la suite des abus de pouvoir de Bernard de Ventadour, la seigneurie de Montpensier et la ville d’Aigueperse avaient en effet été confisquées par le roi Charles V et données à son frère, le duc d’Auvergne Jean de Berry (ibid.). La seigneurie fut alors érigée en comté et, dix ans plus tard, une vente fictive des terres des Ventadour au duc de Berry fut réalisée, affermissant ainsi la légitimité du prince sur ce nouveau territoire (ibid.). À la mort de Jean de Berry en 1416, le comté passa rapidement aux mains des ducs de Bourbons, en raison du mariage entre Marie de Berry et Jean Ier de Bourbon, qui le donnèrent en 1434 à leur second fils, Louis de Bourbon († 1486), fondateur de la branche cadette des Bourbon-Montpensier. Ce territoire lui sera contesté un temps par son frère, mais Louis obtiendra définitivement les droits sur le comté et ses autres terres en 1459.

Les Bourbon-Montpensier firent donc d’Aigueperse le centre de leur pouvoir et donnèrent vie à une riche politique artistique et architecturale, qui concurrença celle de leurs cousins ducaux. A l’instar d’autres maisons princières, ils marquèrent aussi de leurs armes les remparts de la cité, comme en témoigne le procès-verbal de l’exécution de la sentence rendue, le 26 juillet 1527, par le Parlement de Paris à l’encontre de Charles III de Bourbon, fils de Gilbert de Bourbon-Montpensier, mieux connu comme le Connétable de Bourbon. La sentence prévoyait notamment que la mémoire de celui-ci, qui était mort deux mois auparavant, devait être effacée, tous ses biens confisqués, ses armoiries et ses emblèmes détruits sur l’ensemble de ses territoires (Robin 2021, p. 191-211).

La ville de Aigueperse. Clermont-Ferrand, Bibliothèque du Patrimoine, ms. 978, Enquête de l’an 1544 pour la ville d’Ambert représentée par maître Mathieu Columbier…

Le procès-verbal décrit avec précision la démarche des officiers lors de leur expédition à travers le royaume afin d’y faire appliquer la sentence entre septembre 1527 et janvier 1528. On apprend ainsi que lors de leur passage à Aigueperse, le 30 octobre, les officiers furent informés de la présence d’armoiries « en la porte de ladite ville a l’entrée devers Riom […] faites du temps dudit Charles jadis de Bourbon et particulierement appropriées à sa personne par les espées et ceintures estans autour desdites armoiries » (armoirie 1) (Paris, BnF, ms. fr. 18447, f. 266). Les parlementaires ordonnèrent alors que ces armes, ainsi que celles dépeintes dans la Sainte-Chapelle du palais d’Aigueperse, soient « razées et effacées des lieux ou elles sont » par un peintre résidant dans la ville (ibid., f. 267v).

Les devises accompagnant l’armoirie confirment l’attribution du décor à l’initiative de Charles III : l’épée était le symbole de son statut de connétable (base DEVISE) et faisait probablement référence à la devise de l’épée enflammée, employée par le cardinal Charles II de Bourbon (†1488), son parent (base DEVISE ; Robin à paraitre) ; la ceinture, certainement chargée du mot ESPERANCE, était quant à elle la devise dynastique privilégiée de la maison de Bourbon depuis sa création par le duc Louis II († 1410) (base DEVISE). Associées, ces emblèmes prenaient parfois la forme d’une ceinture s’enroulant autour de l’épée, sans doute en imitation de l’épée palmée du roi Charles VIII (Hablot 2001, Annexes, p. 454-455). Les seules représentations existant encore de cette composition combinée sont peintes dans les marges de l’« Institution et administration de la chose publique » de Francesco Patrizi, réalisé pour Charles de Bourbon en 1520 (Paris, BnF, RLR, vélins 410, fol. siglé a. ; Artignan 2022, p. 321-324 ; Mattéoni 2022, p. 253-254). La présence d’épées et de ceintures associées aux armoiries permet ainsi de resserrer la fourchette de datation de ce décor perdu entre 1515, année de la plus ancienne attestation de la devise, lors de l’entrée royale de François Ier à Paris, au retour de son sacre (Godefroy 1649, p. 266), et 1523, date à laquelle le connétable fuit le royaume pour rejoindre les rangs de l’empereur Charles Quint.

Le décor de la porte d’Aigueperse n’était d’ailleurs pas unique dans les territoires du Connétable. Le procès-verbal de 1527 nous renseigne en effet sur d’autres destructions d’emblèmes similaires à celui-ci sur la maison du receveur de Clermont-en-Beauvaisis, sur les vitraux de l’église de La Hérelle et sur la tour de l’horloge d’Ardes.

Auteur : Antoine Robin

Pour citer cet article

Antoine Robin, Aigueperse, porte de la ville, https://armma.saprat.fr/monument/aigueperse-porte-de-la-ville/, consulté le 21/11/2024.

 

Bibliographie sources

Paris, BnF, ms. fr. 18447, Procès criminel du connestable [Charles] de Bourbon » et de ses complices (1523-1533).

Bibliographie études

Artignan Aurore, Marquer sa possession au Moyen Âge d’après les livres des Bourbon. Catalogue des signes d’appartenance dans les ouvrages des bibliothèques de la famille ducale de Bourbon, d’après les inventaires médiévaux de Moulins et d’Aigueperse, mémoire de recherche, dir. O. Mattéoni, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 2022.

Godefroy Théodore, Le ceremonial françois ou description des ceremonies, rangs et seances, observees en France en divers Actes, & Assemblées solennelles, Paris 1649.

Hablot Laurent, La devise, mise en signe du prince, mise en scène du pouvoir, thèse de doctorat, dir. M. Pastoureau, M. Aurell, Université de Poitiers, 2001.

Mattéoni Olivier, « Charles III de Bourbon et Suzanne de Bourbon. Le livre comme défense » dans O. Mattéoni (dir.), Les Bourbons en leur bibliothèque (XIIIe-XVIe siècle), Paris 2022, p. 237-254.

Robin Antoine, « De l’arme à l’image : l’épée, support et sujet emblématique », QUESTES Revue pluridisciplinaire d’études médiévales, à paraître.

Robin Antoine, « Emblematic iconoclasm. The case of Charles of Bourbon in 1527 », dans S. Thiry, L. Duerloo (dir.), Heraldic hierarchies. Identity, status and state intervention in early modern heraldry, Leuven 2021, p. 191-211.

Vissière Laurent, « Capitale malgré elle ? Aigueperse au temps des Bourbon-Montpensier (v. 1415-1505) », dans Le duché de Bourbon, actes du colloque (Moulins 2000), Saint-Pourçain-sur-Sioule 2001, p. 153-168.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Aigueperse, porte de la ville. Armoirie Charles III de Bourbon-Montpensier (armoirie 1)

(D’azur à trois fleurs de lys d’or, à la bande de gueules ?).

  • Attribution : Bourbon-Montpensier Charles de (connétable de Bourbon)
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Porte urbaine
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Inconnu
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1501-1525
  • Dans le monument : Aigueperse, porte de la ville

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