Situé sur un éperon rocheux dominant la confluence de la Mère dans la Vendée, au cœur d’une forêt, le bourg de Mervent, construit à l’endroit où s’élevait un important oppidum gaulois (Nillesse 2021), n’est pas mentionné dans les textes avant la fin du Xe siècle, quand une charte cite un pagus portant ce nom (Redet 1847, p. 58). Au Moyen-Âge la seigneurie de Mervent est d’abord sous domination directe du comte de Poitiers, puis est inféodée à Thibaut II Chabot. Le mariage de la fille de ce-denier la porte à Geoffroy Ier de Lusignan († 1216), qui la fusionne avec celle de Vouvant. Elle échoit ensuite aux seigneurs de Parthenay en 1247 par le mariage de Valence de Lusignan avec Hugues II de Parthenay (Vasselot de Régné 2021, p. 60). La ruine des barons de Parthenay et de Vouvant-Mervent pousse Jean II de Parthenay à vendre ses terres au roi de France en 1419. Charles VII attribue alors Parthenay et Vouvant-Mervent à son connétable, Arthur de Richemont (de 1424 à 1458), puis après la mort de celui-ci à Jean d’Orléans (1403-1468), comte de Dunois, dont l’épouse Marie d’Harcourt est une petite-fille de Jean II de Parthenay. Les Orléans-Longueville conservent Mervent jusqu’en 1694.
L’église Saint-Médard apparaît elle dans les années 1010, quand le comte de Poitiers Guillaume le Grand l’offre à l’abbaye Saint-Pierre de Maillezais, en même temps que sa voisine Notre-Dame de Vouvant (Paris, BnF, ms. Duchesne 75, fol. 39r), mais le bâtiment actuel résulte de campagnes de travaux plus récentes. Si la façade occidentale paraît être la partie la plus ancienne du monument, le portail en arc brisé surmonté d’une accolade et flanqué de pinacles, les baies de la nef et du chœur ainsi que les voûtes sur croisée d’ogive qui couvrent l’ensemble du bâtiment résultent d’une reprise complète de l’édifice au XVe siècle. L’ensemble des couvertures et voûtements, détruit par les guerres de Religion ainsi que le précise le vicaire général du diocèse de Maillezais en 1601 (AD Vendée, 4 G 1, fol. 37v), a été ensuite remplacé par un plafond en briques.
Mervent, église Saint-Médard, portail.
Aucun décor héraldique n’est conservé à l’intérieur de l’église Saint-Médard, mais quatre écus armoriés sont encastrés sur la façade occidentale. Le premier se trouve à gauche du portail, mis en avant par un cadre sculpté (armoirie 1). Il s’agit d’un écartelé dont les premier et quatrième quartiers, bien que abîmés, portent encore clairement la trace d’un lambel, d’une cotice en bande et de trois formes buchées dans lesquelles il ne faudra pas voir les trois poissons en pal des Chabots, comme cela a été déjà affirmé, mais trois fleurs de lis. La lecture de ces éléments permet d’identifier ces armes comme celles de Jean de Dunois, bâtard du duc Louis d’Orléans qui portait d’azur à trois fleurs de lis d’or, au lambel à trois pendants d’argent et à la barre de même, ou plutôt comme celles d’un de ses descendants. Ces derniers renversent en effet régulièrement la cotice de bâtardise en bande, qui caractérisait les armes du Dunois, en une cotice (voire un bâton péri) en bande bien plus valorisant (Hablot 2016). Les deuxième et troisième quartiers de l’écartelé (armoirie 1) portent en revanche un burelé à la bande, dans lequel nous pouvons aisément reconnaître les armes des Parthenay-Larchevêque, possesseurs de Mervent entre 1247 et 1419, dont l’héritage fut recueilli par Jean de Dunois et ses successeurs directs, comme nous l’avons rappelé plus haut.
Il est plus que probable que la même association héraldique figurait à droite du portail, où deux autres écus armoriés sont encore bien visibles, sans doute eux aussi mis en œuvre dans la phase de réaménagement de la façade de l’église. L’un porte des armes à six burelles et à la bande engrêlée brochant sur le tout (armoirie 2), l’autre, plus abîmé, deux léopards placés l’un sur l’autre (armoirie 3). En accord avec Arthur Bouneault (Farault 1914, p. 393), érudit poitevin qui fit de nombreux relevés d’armoiries figurant sur les monuments de la région, il s’agirait des armes des Ratault, à dextre, qui portaient un burelé d’argent et d’azur à la bande engrêlée de gueules (base Bibale), et des Rouault (ou Rouhault), à senestre, qui portaient de sable à deux léopards d’or l’un sur l’autre (Mathilde Pubert, communication orale). Il est plausible donc que les deux écus appartiennent à Marguerite Rouault de Gamaches et à son mari, Bertrand Ratault, dont les armes sont justement placées « avant » celles de son épouse.
Mervent, église Saint-Médard, écu aux armes écartelées d’Orléans-Longueville et de Parthenay-Larchevêque.
Si Jean de Dunois a souvent associé ses propres armoiries avec celles des Parthenay en raison du mariage avec Marie d’Harcourt, petite-fille des seigneurs de Parthenay-Larchevêque, qui lui assura le fief de la ville gatinoise, il ne les combina jamais sous la forme d’un écartelé. En outre, à moins de penser à une erreur du sculpteur, le fait que l’armoirie présente une cotice en bande – comme on la voyait par exemple sur un pilier de l’église de Mouilleron-en-Pareds, située à une vingtaine de kilomètre de Mervent (Audé 1854, p. 201) – semble confirmer que les armes représentées sur l’église de Mervent appartiennent plutôt à un de ses successeurs. En effet, nous savons que François Ier d’Orléans-Longueville (1447-1491), baron de Vouvant-Mervent après la mort de son père Jean de Dunois en 1468, a porté une armoirie associant les armes des bâtards d’Orléans et celles des Parthenay-Larchevêque dans un écartelé qui présentait cependant des armes à l’aigle au deuxième quartier (Sigilla).
Mervent, église Saint-Médard, écus aux armes des Ratault et des Rouault (cliché : Mathilde Pubert).
Il est donc plausible que l’église de Mervent témoigne d’une version inédite des armes de François Ier sur lesquelles le quartier à l’aigle est remplacé par celui de Parthenay, soit car il ne possédait pas encore le fief indiqué par la première armoirie, soit car il voulait insister surtout sur son lien avec la famille poitevine. L’association de ces armoiries permet en tout cas de confirmer une construction du portail de l’église Saint-Médard à la fin du XVe ou, au plus tard, au début du XVIe sous François I de Longueville ou sous François II, son fils († 1513).
Les circonstances dans lesquelles la façade de l’église Saint-Médard fut rénovée pourraient être éclaircies par l’identification de l’armoirie figurant sur un quatrième écusson, placé près du contrefort méridional et présentant trois chevrons (armoirie 4). Arthur Bouneault avançait l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’un membre de la famille Girard (Farault 1914, p. 393), en faisant probablement allusion aux Girard de la Roussière, qui portaient d’azur à trois chevron d’or (Beauchet-Filleau 1909, p. 162). Il serait donc intéressant d’observer que Jean Girard épousa, au début du XVe siècle, Jeanne Ratault (man8rove.com).
Auteur : Clément Brusseau
Pour citer cet article
Clément Brusseau, Mervent, église Saint-Médard, https://armma.saprat.fr/monument/mervent-eglise-saint-medard/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie études
Audé Léon, « Etudes historiques et administratives sur la Vandée : Mouilleron-en-Pareds ; Saint-Germain-l’Aiguiller ; le Tallud-Sainte-Gemme », Société d’émulation de la Vendée pour le developpement de l’agriculture, des sciences, lettres et arts, 1, 1854, p. 195-243.
Beauchet-Filleau Henri, Beauchet Filleau Paul, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 4, Poitiers 1909.
Farault Alphonse, « Répertoire des dessins archéologiques de Arthur Bouneault à la Bibliothèque municipale de Niort », dans Mémoires de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres, 1914, p. 201-427.
Hablot Laurent, « L’héraldique au service de l’histoire. Les armoiries des bâtards à la fin du Moyen Âge, études de cas », dans C. Avignon (dir.), Bâtards et bâtardises dans l’Europe médiévale et moderne, Rennes 2016, p. 257-277.
Nillesse Olivier, « L’agglomération fortifiée de hauteur de Mervent », dans E. Necker (dir.), Sur les traces des Gaulois et des Romains en Vendée, catalogue de l’exposition (Les Lucs-sur-Boulogne 2021-2022), Lyon 2021, p. 79-81.
Vasselot de Régné Clément de, « Deux lignées jumelles : les Parthenay et les Lusignan », dans M. Cavaillès (dir.), Les seigneurs de Parthenay au Moyen Âge, catalogue de l’exposition (Parthenay 2021), Parthenay 2021, p. 46-63.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Mervent, église Saint-Médard. Armoirie François Ier ou François II d’Orléans-Longueville (armoirie 1)
Écartelé : aux 1 et 4 d’(azur) à trois fleurs de lis d’(or), au lambel de trois pendants d’(argent), à la cotice de même posée en bande brochant sur le tout (Orléans-Longueville) ; aux 2 et 3 d’(argent) à trois fasces d’(azur) à la bande de (gueules) (Parthenay-Larchevêque).
Attribution : Orléans-Longueville François Ier de ; Orléans-Longueville François II de ; Armoirie bûchée