Mentionnée dès 968 sous le vocable de Saint-Nazaire, l’église de Marigny (puis Marigny-Chemereau) fut édifiée à l’époque romane, comme en témoignent encore des pans de murs, une baie et les modillons sculptés visibles à l’extérieur. A l’intérieur, l’église présente une seule nef voûtée en plein cintre, renforcée par un arc doubleau, sur laquelle a été tracée une inscription portant la date de 1473. La nef se termine par un chevet plat, éclairé par trois grandes baies. Des travaux de restauration ont été réalisés d’abord au milieu, puis à la fin du XIXe siècle, quand l’édifice se trouvait dans un état précaire (Parvis). C’est probablement à cette époque que le sol de l’église fut réaménagé en réutilisant des pierre sculptées et ornées provenant du château de Lusignan, que le frère d’Emery de Barbezières, seigneur de Marigny, avait était chargé de raser à la fin du XVIIe siècle (d’autres pierres de la forteresse furent en revanche utilisée par Emery même dans la construction de son château jadis situé en proximité du village) (Salvini 1924, p. 588). Une dernière campagne de restauration fut réalisée à l’extrême fin du XXe siècle (Parvis).
Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire, intérieur, tombeau des Vivonne, vue d’ensemble.
Malgré son aspect modeste, l’église conserve des vestiges héraldiques de grand intérêt, en raison de la présence d’un monument funéraire armorié aménagé au XVe siècle dans le mur de droite en proximité du chœur, puis transformé au début du XVIIe siècle (Le patrimoine des communes, II, p. 1056). Seuls les bases des pilastres latérales et le sarcophage témoignent de la phase originaire de la sépulture, qui a été plus tard partiellement entaillée pour permettre l’installation de stalles modernes qui l’ont masquée pendant longtemps (Salvini 1924, p. 585). Le front du tombeau est orné de six écus d’une vingtaine de centimètres de haut, encadrés par des arcatures trilobées. Trois d’entre eux sont encore parfaitement lisibles, tandis que trois autres, en forme de losange, ne portent aucune trace d’armoiries (armoiries 4a-b) : soit ils avaient été sculptés en prévision de la sépulture de femmes qui par la suite ont été enterrées à un autre endroit (ibid., p. 586), soit ils avaient été ornés d’armoiries peintes que le temps a effacées. Dans le premier écu à gauche nous reconnaissons en revanche les armes de la famille de Vivonne (armoirie 1), ici représentées en apparence sans le chef qui leur était propre (mais il n’est pas exclu qu’il avait été simplement tracé en peinture directement sur la surface de la pierre). Sur le côté opposé du sarcophage, nous trouvons une armoirie à la bande accompagnée de six fers de lance (armoirie 3). Il est plausible qu’elle désignait la famille d’origine d’une femme mariée avec un Vivonne, puisque les mêmes armes figurent, à côté de l’écu de Vivonne plein, dans un mi-parti aux armes de Vivonne (armoirie 2).
Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire, intérieur, tombeau des Vivonne, détail du sarcophage armorié.
L’identité de la femme et, par conséquent, celle du couple indiqué par cet ensemble héraldique n’ont pas pu être établies pour l’instant. Il semble en tout cas à exclure que le tombeau avait été réalisé pour Jean de Vivonne, premier à porter avec certitude le titre de seigneur de Marigny à la fin du XVe siècle (Anselme 1733, p. 768), puisque les familles de ses deux épouses, Antoinette de Brillac (Beauchet-Filleau 1891, p. 776) et Honorée d’Authon (Racines et histoire ; Geneanet) portaient des armoiries différentes (d’azur à trois fleurs de lis d’argent pour les Brillac, de gueules à l’aigle couronnée d’or pour les d’Authon : Beauchet-Filleau 1891, p. 184, 776).
Nous savons par contre que la sépulture a été ensuite remaniée pour abriter le corps de Emery (ou bien Mery/Aimery) de Barbezières, chevalier de l’ordre du saint Esprit, mort en 1609 et enterré à Marigny (Oraison 1609). Il était le fils de Geoffroy de Barbezières, duquel avait hérité le titre de seigneur de Chemereau, et Catherine de Vivonne, fille du susmentionné Jean de Vivonne, seigneur de Marigny (Salvini 1924, p. 586 ; Geneanet). C’est sans doute en raison de ses liens avec la famille des Vivonne qu’il fut enterré dans l’église du village à l’intérieur du tombeau de ses ancêtres maternels. Le monument funéraire gothique fut modifié en conséquence et remis au goût de l’époque : les pinacles encadrant initialement l’enfeu furent démantelés ; l’arcade gotique fut remplacée par un arc en plein cintre ; une niche fut créée dans le mur de fond pour encadrer le buste du défunt (détruit à la Revolution) ; une nouvelle dalle tombale fut placée sur le sarcophage et le nom et les armes du défunt y furent gravés (armoirie 5).
Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire, intérieur, dalle funéraire d’Emery de Barbezières.
Encadrées par le collier de l’ordre de saint Michel et de celui du saint Esprit, celles-ci se présentent dans la forme d’un écartelé sculpté avec quelques inexactitude (la ligne de partition entre les quartiers 1 et 3 n’a pas été tracée et les armes des Vivonne apparaissent encore sans leur chef), comme nous pouvons le constater grâce à la reproduction de ces mêmes armes dans l’armorial des chevaliers de l’Ordre du saint Esprit (Paris, BnF, fr. 2769, f. 132r). Plutôt que d’un écartelé Barbezières-Vivonne-Laubepine (de la famille de son épouse)-Authon (de la famille de sa grande mère maternelle) (Salvini 1924, p. 590), nous y verrons plutôt une combinaison Barbezières (d’argent à trois fusées et deux demies accolées en fasce de gueules)-De la Roche Chemerau (d’azur à la croix ancrée d’argent)-Vivonne-de la Béraudière (de Jaquette de la Béraudière, dame de Chemerau et sa grand-mère paternelle).
Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire, intérieur, écu aux armes de Savari III de Vivonne.
Pour finir, au-dessus de l’enfeu, un écusson armorié est encastré dans la voûte de l’église (armoirie 6), dont la provenance et la fonction demeurent inconnues. Même s’il a été repeint sans tenir compte de son aspect d’origine, nous pouvons y reconnaître les armes de Savari III de Vivonne (ca. 1300-1367), dont le susmentionné Jean était un descendant lointain (Racines & Histoire, pl. 6, 7, 13). Celui-ci accompagnait en effet l’armoirie familiale avec celle de la famille de sa mère (Paris, Archives Nationales, ms. AE I 25, no./MM 648, p. 45), Eschive de Rochefort (après 1270-après 1307), qui avait porté aux Vivonnes tous les biens appartenant à son lignage par le biais de son mariage avec Savary II (vers 1265-1300) (Geneanet), comme le prouve le sceau utilisé par le même Savari III dans les années 1334-1347 (Eygun 1938, p. 265, num. 726 : Sigilla).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire, https://armma.saprat.fr/monument/marigny-chemereau-eglise-saint-nazaire/, consulté
le 23/11/2024.
Anselme Augustin Dechaussé, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, t. 8, Paris 1733.
Beauchet-Filleau Henri, Beauchet-Filleau Paul, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 1, Poitiers 1891.
Le patrimoine des communes de la Vienne, dir. A. Guihéneuc, R. Toulouse, Paris 2002.
Salvini Joseph, « Notes sur Emery de Barbezières-Chémerault († 1609) et Claude de Laubespine, sa femme (1550-1613), Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 6, 2, 1924, p. 585-595.
Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire. Armoirie Emery de Barbezières (armoirie 5)
Ecartelé : au 1 d’(argent), à trois fusées et deux demies de (gueules), accolées en fasce (de Barbezières) ; au 2 d’(azur), à la croix ancrée d’(argent) (de la Roche Chemereau) ; au 3 d’hermine, au chef de (gueules) (Vivonne) ; au 4 d'(or), à l’aigle bicéphale de (gueules), lampassée et couronnée de (sinople) (de la Béraudière).
Collier d’Ordre : Ordre de saint Michel ; Ordre du saint Esprit.
Timbre : Une couronne
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chevet
Emplacement précis : Enfeu ; Tombeau
Support armorié : Sarcophage ; Plaque sculptée et/ou inscrite
Marigny-Chemereau, église Saint-Nazaire. Armoirie Savari III de Vivonne (armoirie 6)
D’hermine au chef de (gueules) (Vivonne), chargé à dextre d’un écusson fascé d'(argent) et d'(azur) de huit pièces, au chef émanché de trois pièces et deux demies de (gueules) (Rochefort).
Attribution : Vivonne Savari III de ; Armoirie repeinte ; Armoirie restaurée