L’église Saint-Jacques, bâtie en pierres de taille dans le calcaire blond du Quercy, est citée en tant que simple chapelle, annexe de Mazerac, dans un acte de 1254, dans lequel Barthélemy de Roux, évêque de Cahors – évêché duquel Puylaroque dépend jusqu’à 1808 –, échange avec son chapitre ces deux églises contre celle de Saint-Pierre de Milhac (Moulenq 1880 p. 270). L’édifice présente une nef unique, voûtée d’ogives soutenues par de puissants contreforts entre lesquels viennent prendre place six chapelles latérales. La première travée de la nef est deux fois plus large que les deux autres. Elle inclue en effet deux passages voûtés en berceau brisé, au nord et au sud, qui donnent accès à l’édifice depuis l’extérieur. Le chœur, à chevet plat, comporte une seule travée de forme carrée, également voûté d’ogives, qui retombent sur des chapiteaux à feuillages et des demi-colonnettes engagées. Trois larges et hautes fenêtres d’égale hauteur, ouvertes sur le mur est, éclairent l’abside. A l’origine, deux autres baies en plein cintre, aujourd’hui obstruées, étaient percées dans les murs nord et sud. L’arc triomphal qui sépare le chœur de la nef repose sur deux importants chapiteaux sculptés de motifs végétaux, qui paraissent remonter au début du XIIIe siècle. Les chapiteaux des chapelles latérales, ornées de fleurs, ainsi que ceux de la nef ou du chœur, avec des corbeilles lisses à double bagues, évoquent plutôt la seconde moitié du XIVe siècle. Des travaux d’envergure sont réalisés au XIXe siècle avec la reconstruction de la façade occidentale et du clocher et la réalisation d’une importante campagne de peintures murales dans le style néo-gothique troubadour pour les chapelles et inspirée de la Renaissance italienne pour les voûtes de la nef. L’église a été. L’église, élue en église paroissiale à part entière peut-être au XVIIe siècle et consacrée le 3 septembre 1878 par monseigneur Legain, évêque de Montauban (Gayne 1978, p. 187), est inscrite en totalité au titre des Monuments Historiques le 31 mai 1927 (base POP).
Puylaroque, église Saint-Jacques.
Au nord du chevet est implantée une importante chapelle, qui s’ouvre directement dans le chœur liturgique. Cette modeste construction en pierre calcaire est pourvue de deux travées, voûtées d’ogives, dont la retombée s’effectue sur de fines colonnes à chapiteaux prismatiques. Dédiée à Notre-Dame de Grâce, elle est due à la générosité de Bernard Carit († 1383), natif de Puylaroque (Razoua 1883, p. 57, 270), dont une des clés de voûte porte sculptées les armoiries (armoirie 1) : un lion couronné avec en chef cinq losanges (Base SIGILLA). Bernard Carit, dont la famille appartient à la bourgeoisie et se trouve liée à certains lignages aristocratiques du Quercy, commence sa carrière ecclésiastique en 1352 comme collecteur apostolique pour Sens et pour Rouen, avant d’être nommé chanoine de Paris et archidiacre de Saint-Séverin en 1361 (base studium-parisiense).
Puylaroque, église Saint-Jacques, chapelle Notre-Dame de Grâce (extérieur).
Il occupe, après Paris, une stalle à Rouen avant d’être pourvu de l’évêché d’Évreux en 1376 (Gane 1999, p. 294-295). Il s’est soucié dès 1360 de fonder six chapellenies perpétuelles dans l’église Saint-Jacques de Puylaroque (Montauban, AD Tarne-et-Garonne, G 1199), que le pape Urbain V reconnaît le 11 septembre 1366. A cette date, la chapelle elle-même est construite, comme le déclare le pape dans une bulle (num. 017315), conservée sous la forme d’une copie postérieure et dans les Lettres communes d’Urbain V. Ce document précise également que le nouvel établissement est créé en l’honneur de la Vierge – vers laquelle Bernard Carit avait une vénération particulière comme en témoignent les images gravées sur les sceaux qu’il adopte en tant qu’évêque d’Evreux (Base SIGILLA) – et en vue d’augmenter le service du culte divin, mais aussi pour le fondateur, ses parents, sa famille proche et toute sa parentèle. Bernard Carit octroie des statuts à ses nouveaux chapelains (Razoua 1883, p. 44-51, 258-268), qu’il choisit lui-même, mais ne fut pas inhumé dans cette chapelle de Puylaroque (il fut enterré à Evreux, dans sa cathédrale). Après sa mort, il souhaite que le curé de Saint-Jacques, qui est lui-même de droit un des six chapelains, et les consuls de Puylaroque bénéficient de ce privilège à tour de rôle. Cette fondation constitue donc une collégiale séculière à part entière (Moureau 2018, p. 174-177). Les chapelains disposent également d’une salle pour eux seuls, située au-dessus de la chapelle Notre-Dame proprement dite, et qui n’est accessible que par un seul escalier, qui s’ouvre directement dans la chapelle. Il est également possible que les chapelains aient occupé des maisons individuelles, bâties contre le flanc est de la chapelle Notre-Dame, toutes détruites aujourd’hui. Sur le cadastre des années 1833-1834 (Montauban, AD Tarne-et-Garonne, 3P2450-21) cinq maisons similaires et contigües, en pierre et pans-de-bois, sont mentionnées et vers une cour intérieure commune à ces maisons s’ouvrait une porte en arc en tiers sur le flanc de la chapelle.
Puylaroque, église Saint-Jacques, chapelle Notre-Dame de Grâce, clef de voute aux armes de Bernard Carit.
Nous noterons que dans la clef de voûte de la chapelle de Puylaroque, les armes de Bernard Carit présentent un lion contourné par rapport à celui qui apparaît sur son sceau : il s’agit vraisemblablement d’un choix délibéré, à mettre peut-être en relation avec l’usage liturgique de l’espace. En effet, le lion de l’armoirie est visiblement tourné en direction de l’enfeu dont des traces sont encore visibles sur le mur du chevet de la chapelle, vraisemblablement prévu pour Bernard de Carit, qui fut finalement inhumé à Evreux. Nous noterons aussi que des traces de couleurs et de dorure apparaissent encore aujourd’hui sur la clef armoriée, sans qu’il soit possible de déterminer, faute d’une étude, s’il s’agit d’une polychromie médiévale ou plus récente.
Une deuxième pierre sculptée et armoriée se trouve dans le chœur de l’église, enchâssée au revers de l’actuel maître-autel (armoirie 2). Il est possible cependant que ce fragment ait été mis au jour lors des travaux de la fin du XIXe siècle et son emplacement d’origine est à ce jour inconnu. L’écu est posé entre deux rosaces et son chef s’intercale dans un décor de tores torsadés qui paraît remonter au XVe siècle. Malheureusement, il a été soigneusement buché, dans des circonstances et à une époque d’il est impossible de déterminer, et les armes qui y figuraient demeurent par conséquent illisibles.
Nous pouvons imaginer que l’armoirie appartenait à une des familles de premier plan de Puylaroque. A ce propos, nous rappellerons que la seigneurie appartient à une famille de La Roque jusqu’en 1203, quand Bertrand de La Roque la vend pour moitié à Calvet Raymond et pour moitié à Bernard Lunel. Lors de la Croisade des Albigeois, Puylaroque est prise par les armées de Simon de Montfort, mais il semble que les lieux aient été désertés auparavant (Alvira Cabrer 2010). En 1256, le village est ensuite la propriété d’Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse, qui à son tour la cède en 1262 à Raymond de Puycelsi et sa femme Gausinde (Moulenq 1880, p. 303-304). En 1316, Bernard VII, comte d’Armagnac, achète la seigneurie à Bernard de Puycelsi. Elle est finalement revendue pour partie seulement en 1362 à Raymond-Arnaud des Prés, seigneur de Montpezat (Moulenq 1880, p.304-305). La famille de Vignes succède aux des Prés en 1595 jusqu’à la Révolution.
Auteur : Emmanuel Moureau
Pour citer cet article
Emmanuel Moureau, Puylaroque, église Saint-Jacques, https://armma.saprat.fr/monument/puylaroque-eglise-saint-jacques/, consulté
le 21/11/2024.
Alvira Cabrer Martín, « La croisade des Albigeois : une armée gigantesque ? », dans M. Bourin (dir.), En Languedoc au XIIIe siècle : le temps du sac de Béziers, Perpignan 2010, p. 163-188.
Gane Robert, Le chapitre de Notre-Dame de Paris au XIVe siècle : étude sociale d’un groupe canonial, Saint-Étienne 1999.
Gayne Pierre, Dictionnaire des paroisses du diocèse de Montauban, Montauban 1978.
Moulenq François, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t. 2, Montauban 1880.
Moureau Emmanuel, Bâtir pour l’éternité. Le cardinal Pierre des Prés (1280-1361) et la collégiale Saint-Martin de Montpezat-de-Quercy, Toulouse 2018.
Razoua Louis, Notes et documents pour servir à l’histoire civile et religieuse de Puylaroque, Montauban 1883.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Puylaroque, église Saint-Jacques. Armoirie Bernard Carit (armoirie 1)
D'(azur) au lion d'(or) contourné, au chef de (gueules) chargé de cinq losanges d'(argent) posées en fasce.