Le castrum de Montpezat se concentrait à l’origine sur la pointe d’un éperon rocheux, isolé au moyen d’un fossé transversal qui en barrait l’accès. Une motte féodale existait au moins en 1040, date à laquelle elle est mentionnée dans le récit des miracles de sainte Foy de Conques. Une première agglomération s’était certainement développée au pied du château des seigneurs et des faubourgs ou barris ont dû, dès le XIIIe siècle, déborder l’enceinte même de cette première cité. Toutefois ce n’est qu’à la fin de ce siècle que la ville neuve a vu le jour (Moureau 2018). Si une première église dédiée à saint Just et à saint Pasteur, située en contrebas du plateau calcaire qui porte aujourd’hui le village, existait depuis le VIIe siècle – elle est mentionnée en 655 dans le testament de saint Didier, évêque de Cahors, et figure dans la confirmation par le pape Pascal II de la propriété de divers lieux de culte au chapitre cathédral de Cahors en 1106 – une église placée sous le vocable de saint Martin se trouvait au XI-XIIe siècle vraisemblablement au pied du plateau qui portait la tour seigneuriale.
L’édifice religieux apparaît pour la première fois dans les sources de manière certaine en 1159, dans un acte de donation, passé à proximité de l’église Saint-Martin de Montpezat, de biens situés au lieu-dit Fossat Franc par Guillaume de Pomaret au monastère de Sainte-Marie de Septfonds. Mais c’est très certainement déjà à celle-ci que fait référence le monasterium de Montepensato cité dans les possessions de l’abbaye bénédictine de Charroux dans le diocèse de Cahors, énumérées dans une lettre du pape Urbain II en 1096-1099. La même référence se répète dans une lettre qui liste les possessions quercynoises du monastère poitevin par Alexandre IV en 1154, puis à nouveau en 1203 par Innocent III. Nous apprenons ainsi que l’église Saint-Martin de Montpezat était à l’origine un prieuré bénédictin qui dépendait de la puissante abbaye de Charroux, mais les circonstances même de sa fondation et la date à laquelle elle entra dans la mouvance du monastère poitevin restent inconnues. L’édifice actuellement visible est d’ailleurs le fruit d’une reconstruction intégrale réalisée dans la première moitié du XIVe siècle par Pierre des Prés († 1361), cadet du seigneur de Montpezat. Docteur en droit et prêtre au service du sénéchal du roi à Toulouse, apprécié par le pape Jean XXII, il fut nommé évêque de Riez (1318), archevêque d’Aix-en-Provence (1319), puis cardinal au titre de Sainte-Pudentienne (1320) et cardinal-évêque de Palestrina (1321), enfin vice-chancelier de l’Eglise (1325). Il avait décidé dès 1323 de fonder à Montpezat des chapellenies, transformées en prieuré quelques années plus tard et érigées en collégiale séculière de quinze chapelains avant 1342. Pour abriter cette nouvelle communauté mais surtout sa sépulture – les religieux devaient prier quotidiennement pour le repos de son âme – il décida, entre 1337 et 1343, de rebâtir l’ancienne église Saint-Martin. Bien préservée au fil des siècles, cet édifice n’a pas souffert des guerres de Religion : seul le clocher a été en partie démoli, à la suite de la dissolution du chapitre à Révolution. La collégiale a été classée au titre des Monuments Historiques en 1840 et a fait l’objet depuis cette date de nombreuses campagnes de restauration jusqu’à nos jours.
La collégiale de Montpezat, vaste vaisseau de pierre blonde du Quercy, mesure 34 mètres de long sur 18,70 mètres de large, pour une hauteur sous voûte de 17 mètres. Elle présente une nef unique, constituée de cinq travées barlongues, dont la dernière est incorporée au chœur, dans laquelle viennent s’ouvrir huit chapelles, blotties entre les puissants contreforts et un chevet pentagonal. La façade occidentale présente un vaste portail d’entrée, à triple voussures en arc brisé en tiers-point qui retombent sur des colonnettes à listel terminées par des bases prismatiques. Deux grandes niches sont disposées symétriquement au deux-tiers de la hauteur du portail : décorées d’un cordon saillant en accolade, qui repose également sur un culot prismatique, elles abritaient deux statues, dont une seule est toujours en place, bien que terriblement mutilée. Elle figure un personnage debout dont la tête, séparée du tronc, est aujourd’hui retournée au fond de la niche. Il porte une large aumônière à la ceinture et à ses pieds a une autre figure plus petite, à genoux. Il pourrait s’agir d’une représentation de saint Martin partageant son manteau ou bien du cardinal des Prés, aux pieds du saint évêque de Tours. Un écu bûché, placé sous un larmier, surmonte le portail (armoirie 1). Il portait sans conteste les armes de Pierre des Prés, que nous savons avoir été remises en couleur dans le premier quart du XVIIe siècle d’après les comptes du chapitre collégiale (AD Tarn-et-Garonne, G 850).
Clé armoriée aux armes Des Prés. Montpezat-de-Quercy, collégiale Saint-Martin, nef.
La nef est voûtée d’ogives, dont les clés sont ornées d’écus peints aux armes de la famille des Prés (armoirie 2a-d), dont la pointe est tournée en direction du maître autel et de la baie d’axe. Visiblement repeints à l’époque moderne, ils reproposent vraisemblablement des éléments héraldiques d’origine. La même armoirie est représentée sur la clef de voûte du chevet, avec la pointe également tournée vers l’est (armoirie 2e). La retombée des voûtes s’effectue sur des chapiteaux à double bague qui reposent sur des colonnes circulaires engagées dans les murs. De hautes fenêtres, sans ébrasement, terminées par des arcs en plein cintre, éclairent la nef et la première travée du chœur. Des vitraux médiévaux existaient encore en 1658, quand ils sont décrits par le chanoine Léon Godefroy dans sa vie du cardinal des Prés. Il précise que ces « vitres » étaient ornées des armes du cardinal des Prés portées par des anges (armoirie 3) (Paris, BnF, ms. NAF 22338). Le clocher, de section carrée, est implanté au-dessus de la première chapelle nord, contre la façade occidentale. Sa partie supérieure est constituée de huit ouvertures rectangulaires associées deux par deux, décorées de colonnettes, qui retombent sur des bases prismatiques. Quatre colonnes engagées soulignent les angles extérieurs. Une tourelle, accolée à son mur nord, dissimule l’escalier en vis qui permet d’accéder à une pièce située au premier niveau, à la corniche bâtie sous la rosace ainsi qu’à la chambre des cloches. Le sommet de la tourelle est voûté d’ogives, qui retombent sur des culots tout juste épannelés. Seule la clé est sculptée, en forme de fleur épanouie.
Godefroy, Tombeau de Pierre de Prés dans la collégiale Saint-Martin de Montpezat-de-Quercy, dans Duchesne 1660, p. 436.
Au centre du chœur se trouvait le tombeau du cardinal des Prés, qui fut démonté et déplacé en 1778 : la cuve fut détruite à ce moment et le gisant, en marbre blanc rehaussé de dorures et de couleurs, plaqué contre le mur sud. Œuvre du sculpteur Pierre Boye, il a été commandé du vivant même du prélat comme ce dernier le précise dans son testament (Moureau 2020, p. 339-343). Il le représente couché, en habits sacerdotaux, avec la mitre, la tête reposant sur un coussin et les pieds appuyés sur un lion. Le cardinal sourit, les yeux entrouverts. Un dessin du chanoine Godefroy, publié par Duchesne (1660, p. 436), documente l’état originaire du monument dont la cuve, en pierre calcaire, portait un décor aux armes du cardinal (armoirie 4) qui alternaient avec des roses (Paris, BnF, ms. NAF 22338).
Auteur : Emmanuel Moureau
Pour citer cet article
Emmanuel Moureau, Montpezat-de-Quercy, collégiale Saint-Martin, https://armma.saprat.fr/monument/montpezat-de-quercy-collegiale-saint-martin/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
Paris, BNF, ms. NAF 22338, Godefroy Léon, La Vie de l’éminentissime Monseigneur Pierre Desprez évêque de Riez, archevêque d’Aix cardinal du Saint Siège apostolique évêque de Preneste, vice-chancelier de l’Église Romaine et Légat, fondateur des chapitres de St Martin de Montpezat en Quercy, et de StPierre d’Avignon, inédite, due à Léon Godefroy, chanoine de Montpezat, fol. 49-71.
Bibliographie études
Duchesne François, Histoire de tous les cardinaux françois de naissance, Paris 1660.
Moureau Emmanuel, Bâtir pour l’éternité. Le cardinal Pierre des Prés (1280-1361) et la collégiale Saint-Martin de Montpezat-de-Quercy, thèse de doctorat, Université de Toulouse-Jean Jaurès, 2018.
Moureau Emmanuel, « Le gisant du cardinal Pierre des Prés (1280-1361), une œuvre du sculpteur Pierre Boye », Hortus artium medievalium, 26, 2020, p. 336-343.