Bien que les consuls de Gourdon disposent d’un droit de justice depuis les XIVe siècle (Bulit 1923, p. 195), à l’époque médiévale Prouilhac est une communauté d’habitants à part entière, dont la seigneurie est divisée entre plusieurs familles qui se partagent son territoire. Les Thémines, originaires du village éponyme et connus depuis la fin du XIe siècle, en sont les principaux suzerains, mais d’autres lignages aristocratiques apparaissent dans la documentation, tels les Cornil et les Durfort de Prouilhac, tout comme des personnages isolés tels Bernard de Massaut (1326) (Lacoste 1883-1886, III, p. 41) et Étienne de Saint-Clair (1350). Siège dès l’époque médiévale d’une paroisse dépendant de l’évêque de Cahors (Longnon 1874, p. 44), qui nomme donc le titulaire de la cure, l’église Saint-Pierre de Prouilhac est un bel exemple de l’architecture médiévale quercynoise dans un style de transition entre l’époque romane et le premier gothique : son plan rectangulaire, très sobre, à chevet plat, est caractéristique des églises rurales, essentiellement paroissiales, bâties à la fin du XIIe siècle, dont les formes semblent dériver de l’architecture cistercienne alors en plein essor. Malheureusement, les origines de cet édifice demeurent incertaines en raison de l’absence de documents datant du Moyen Âge central, sans doute liée à la disparition de la quasi-totalité des fonds d’archives religieuses de l’actuel département du Lot.
Le portail d’origine, très simple, s’ouvrait sur le pignon ouest, alors que la porte présente dans le mur gouttereau sud est très certainement celle des morts, qui donnait accès au cimetière, comme l’indiquent les croix sculptées en creux dans des blocs au droit de cette ouverture. La présence de hourds en bois sur les flancs nord et sud du clocher témoigne d’une volonté de fortification de l’édifice, très certainement au milieu du XIVe siècle. Durant la guerre de Cent Ans, la ville de Gourdon étant restée fidèle au roi de France, ses habitants ont pu en effet trouver refuge dans l’église des bandes de routiers à la solde des Anglais, installées au château de Costeraste à l’ouest de la cité, qui ont mis en coupe réglée le territoire situé entre la Dordogne et le Lot durant près de quarante ans.
A l’intérieur, l’église Saint-Pierre présente un vaisseau unique, bâti en petit appareil, aujourd’hui couvert d’une fausse voûte à ossature en bois, fixée à des solives, comblée de terre ; celle-ci a remplacé le voûtement en berceau originaire qui s’est probablement effondré à la suite des dégâts subis durant les guerres de Religion (un vestige subsiste dans l’actuelle chapelle est entre le mur pignon et un arc doubleau). Le chevet, de plan carré, voûté en berceau, supporte un puissant clocher, dont l’assise déborde sur la nef, qui s’est de fait retrouvé déséquilibré par la suppression de la voûte originaire. Il est ouvert au dernier niveau par des séries de deux baies couvertes en tiers point. Deux petites ouvertures, également en plein cintre, avec un linteau rectangulaire monolithe, à fort ébrasement, sont encore visibles au premier niveau. Des culots en pierre supportent l’avant-toit dans les angles. Des consoles en bois, qui supportaient à l’origine des hourds, sont encore visibles sur les élévations nord et sud. L’ensemble des toitures est réalisé en tuiles plates. Deux chapelles latérales ont été ajoutées au nord et au sud dans le dernier quart du XVe siècle, comme en témoignent les voûtes à liernes et tiercerons, ainsi que le portail à pinacles de la chapelle sud. Cet apport a créé une sorte de faux transept. Par la suite, l’église a été réaménagée liturgiquement à une époque indéterminée, peut-être au XVIIe siècle : la chapelle nord est devenue le chœur liturgique et a accueilli le maître-autel, l’ancien sanctuaire étant utilisé comme une simple chapelle latérale. Au début du XVIIIe siècle, le chœur fait l’objet d’une campagne de peintures murales qui a recouvert l’intégralité de ses murs et voûtes par des rinceaux végétaux, des motifs floraux, un faux-marbre rouge et des feuilles d’acanthes sur fond ocre ou blanc, tandis que la baie axiale était entourée d’une guirlande de fleurs de marguerites.
Dans la chapelle nord, un culot sculpté orné d’un écu figure deux cors superposés (armoirie 1) permet d’attribuer l’édification de la structure à la famille de Cornil, co-seigneur de Prouilhac à cette période : si, au milieu du XIVe siècle Jeanne de Cornil, sœur d’Aymeric, co-seigneur de Prouilhac, est la femme de Guillaume de Leygue, récemment anobli, lui-aussi co-seigneur du lieu (Lartigaut 1985, p. 94), en 1453 Guyon de Cornil rend hommage pour la terre de Prouilhac à Raymond de Thémines (1453) (Lacoste 1883-1886, II, p. 348). Même si cette famille est connue pour porter des armes à trois cors (une semé à ses armes se trouve dans la voussure d’un enfeu datant du XVe siècle dans l’église Saint-Germain à Creysse : base POP), nous pouvons exclure que cette armoirie sculptée appartenait à d’autres lignages, tels les Corn qui portaient deux cors de chasses superposés mais qui n’étaient pas possessionnés à Prouilhac.
L’armoirie de la clé de voûte (armoirie 2) est lisse et entourée d’un réseau de trilobes et d’écoinçons. À la suite des sondages réalisés sous la couche de peinture actuelle, un fond bleu est apparu, portant les fragments d’une figure dorée dotée, semble-t-il, d’une queue. Il pourrait s’agir donc des armes de la famille de La Sudrie, co-seigneur de Prouilhac à partir de 1613, qui portaient d’azur au lion d’or accompagné d’un nombre variable de besants (de trois à douze : Loizeau de Grandmaison 1861, col. 516 et Dubuisson 1757, p. 103) posés en orle. Cette famille pourrait donc avoir elle aussi financé des travaux dans l’église à une époque antérieure : la forme de l’écu et son encadrement fixent en effet avec certitude la réalisation de cet élément armorié au deuxième-troisième quart du XVe siècle. D’ailleurs, l’église bénéficia des donations des familles locales depuis au moins le XIVe siècle, comme le prouve la somme d’argent que Gilbert de Thémines lui légua dans son testament du 2 juin 1340 (Lacoste 1883-1886, III, p. 70).
Auteur : Emmanuel Moureau
Pour citer cet article
Emmanuel Moureau, Prouilhac (Gourdon), église Saint-Pierre, https://armma.saprat.fr/monument/prouilhac-gourdon-eglise-saint-pierre/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie études
Bulit Roger, Gourdon, les origines, les seigneurs, les consuls et la communauté jusqu’à la fin du XIVe siècle, mémoire, Université de Toulouse, 1923.
Dubuisson Pierre-Paul, Armorial des principales maisons et familles du royaume, II, Paris 1757.
Lacoste Guillaume, Histoire générale de la Province de Quercy, t. 2-3, Cahors 1883-1886.
Lartigaut Jean, « Les origines de la famille Pouget de Nadaillac en Périgord et en Quercy (vers 1380-vers 1500) », dans L’anoblissement en France, XVe-XVIIIe siècles : Théories et réalités, Pessac 1985.
Loizeau de Grandmaison Pierre Charles A. de, Dictionnaire héraldique, Paris 1861.
Longnon Auguste, Pouillé du diocèse de Cahors, Paris 1874.