D’abord forteresse, le château de Montpoupon situé dans la commune de Céré-la-Ronde en Touraine historique, domine la vallée du Cher depuis le Xe siècle. Château fort édifié par Foulques de Nerra (v. 965-1040), comte d’Anjou, pour commander l’ancienne voie consulaire d’Aquitaine (aujourd’hui route nationale de Paris à Madrid), il subira par la suite de nombreuses transformations. De cette première période de construction, il ne reste que le soubassement du donjon principal, mis à jour en 1920, ainsi que les fondations de cet ancien château fort de forme rectangulaire, flanqué sur la façade nord de deux demi-tours rondes défensives (Ranjard 1994, p. 240). Passée entre les mains de la famille d’Amboise et devenue châtellenie au XIIIe siècle, Montpoupon entra dans les possessions de la famille de Prie à partir de 1328.
La structure, qui avait déploré d’importantes destructions lors de la Guerre de Cent Ans, fut reconstruite au milieu du XVe siècle. La construction de la demeure de la première Renaissance, encore visible aujourd’hui, est initiée vers 1450 par le conseiller de Charles VII, Antoine de Prie (v. 1399-1481), seigneur de Buzançais et de Montpoupon par son mariage avec Madeleine d’Amboise (v. 1415-1488) en 1431. Elle est édifiée sur les ruines du château du XIIIe siècle, dont le donjon cylindrique à l’angle nord-ouest a été préservé et modernisé en 1460 par Antoine, qui fait également construire une chapelle, détruite à la Révolution. Leur fils, Aymar de Prie (1453-1527), grand arbalétrier puis conseiller de François Ier qui participa à la conquête du royaume de Naples en 1495, fait bâtir vers 1515 le châtelet d’entrée d’inspiration italienne (Babelon 1989, p. 744). Les de Prie restent propriétaires du château jusqu’en 1763, date à laquelle il est racheté par le marquis de Tristan (1733-1820). A cette époque une grande partie de l’édifice est remaniée. Il passa ensuite entre les mains successives des de Farville (1836), des de la Motte Saint-Pierre (1857) et enfin des Louvencourt, propriétaires du château depuis 2005 (Fréal 1934, p. 29). Restauré complètement en 1920, il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis janvier 1966 (base Merimée).
Allège aux armes des De Prie. Céré-la-Ronde, château de Montpoupon, poterne.
Si le château conserve de nombreuses armoiries modernes sur ses murs, une seule date de la période médiévale. On la reconnaît visible dans les peintures lacunaires conservées dans la chapelle du château, aménagée au XIXe siècle par Émile de la Motte Saint-Pierre, au deuxième étage de la poterne. Elles appartenaient à l’ancienne chapelle du château, construite par Antoine de Prie autour de 1460 entre la poterne d’entrée et la tour isolée au nord et brûlée lors de la Révolution (Louvencourt 2017, p. 15). Ces fresques illustrent des scènes de la Passion du Christ à côté desquelles a été peint, sur un fond losangé, un écu de gueules où l’on distingue les trois tiercefeuilles d’or d’Antoine de Prie (armoirie 1). Les armes de Prie y sont représentées sous sa forme simple, et non pas écartelée avec celles de Buzançais (aux 2 et 3, d’or à l’aigle bicéphale éployée de sable couronnée de gueules), comme le commanditaire de la chapelle les portait : une combinaison qui dérive du fait que les seigneurs de Prie possédaient également la seigneurie de Buzançais depuis le mariage de Jean Ier († 1272) avec Isabelle de Buzançais (avant 1250). Alors héritier de la seigneurie de Buzançais, il se limita à reprendre l’aigle bicéphale de la famille de l’épouse sur son contre-sceau (Sigilla). Il faudra donc attendre Antoine de Prie († après 1481), premier baron de Buzançais, pour trouver un écartelé de Prie/Buzançais.
Les armoiries de la famille de Prie sont également visibles à l’extérieur de la poterne d’entrée, par laquelle on pénètre dans la cour d’honneur. De style Renaissance, élevée par Aymar de Prie vers 1515, elle est constituée d’une tour carrée, percée au rez-de-chaussée d’une baie charretière en tiers-point accompagnée d’une porte à linteau droit (Ranjard 1994, p. 240). Entre deux échauguettes d’angle, en encorbellement, soutenues par des culs-de-lampe et coiffées de toits coniques, les fenêtres et lucarnes sont cantonnées de pilastres. Sur la façade donnant vers l’extérieur, à la verticale du portail d’entrée, l’une des fenêtres a son allège timbrée des armes des de Prie (armoirie 2). Déjà datée du début du XVIe siècle et considérée contemporaine de la construction de l’édifice, elle remonterait plutôt à la deuxième moitié du XVIIe siècle, au plus tôt. C’est en effet vers les années 1630-1640 que le système d’hachures introduit au début du siècle pour indiquer les couleurs dans les représentations héraldiques en noir et blanc se stabilise, d’abord dans l’imprimerie et ensuite dans la sculpture monumentale (Grellet 1895, Pastoureau 2008), comme nous pouvons le voir dans notre cas, où la rayure verticale signifie le gueules, en conformité aux conventions.
Linteau aux armes La Motte/Monicault. Céré-la-Ronde, château de Montpoupon, poterne.
Enfin, le château renferme d’autres armoiries plus tardives datant de la rénovation du domaine, entreprise par le susmentionné Émile de la Motte Saint-Pierre au XIXe siècle. Un écu parti La Motte/Monicault, accompagné d’un ruban sur lequel est gravé la devise IN TENEBRIS ADEST, est notamment visible sur le linteau de la porte de la tourelle d’escalier qui flanque au nord-ouest la poterne du côté cour, placé sous une coquille Saint-Jacques, élément ornemental typique de la première Renaissance tourangelle. Visiblement réalisée au moment de la restauration de l’édifice, cette armoirie a probablement remplacé un écu aux armes d’Aymar de Prie, le constructeur la poterne vers 1515 : à l’époque médiévale et à la Renaissance était très commun de marquer l’entrée principale d’un bâtiment par les armes de son propriétaire.
Auteur : Sarah Héquette
Pour citer cet article
Sarah Héquette, Céré-la-Ronde, château de Montpoupon, https://armma.saprat.fr/monument/cere-la-ronde-chateau-de-montpoupon/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie études
Babelon Jean-Pierre, Châteaux de France au siècle de la Renaissance, Paris 1989.
Fréal Vincent (dir.), Châteaux et manoirs de France : région de la Loire, v. 3, La Possonnière, Saint-Georges, la Chevalinière, Valmer, Pocé, Amboise, le Clos-Lucé, Château-Gaillard, Chanteloup, Chenonceaux, Chissay, Montpoupon, Genillé, Lestang, Montrésor, Valençay, Chaumont, Paris 1934.
Grellet Jean, « Les hachures héraldiques », Archives héraldiques suisses, 9, 1895, p. 24-30.
La Motte Saint-Pierre Thérèse de, Histoire de Montpoupon, ses suzerains, seigneurs et propriétaires, Château de Montpoupon 1971.
Pastoureau Michel, Noir. Histoire d’une couleur, Paris 2008.
Ranjard Robert, La Touraine archéologique : guide du touriste en Indre-et-Loire, Mayenne 1994 (éd. or. 1930).
Vacquier Jules, Les anciens châteaux de France. La Touraine : Azay-le-Rideau, Champigny-sur-Veude, Loches, Montpoupon, Paris 1928.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Céré-la-Ronde, château de Montpoupon. Armoirie de Prie (armoirie 1)
De gueules à trois tiercefeuilles d’or.
Attribution : Prie de famille
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle
Emplacement précis : Mur
Structure actuelle de conservation : Déplacée dans le même monument