Caudan, chapelle Notre-Dame-des-Neiges ou de Trescouët
La chapelle Notre-Dame-des-Neiges ou de Trescouët est érigée au bord de l’ancienne route reliant Hennebont à Pont-Scorff – aujourd’hui la départementale 26 – près de l’Hôpital Charcot et des hameaux de Moustoir et Kernivinen, au nord-est de la commune de Caudan. Elle relevait autrefois de Saint-Caradec Hennebont, bourgade formée dans le voisinage d’une ancienne implantation castrale sur la rive droite du Blavet et berceau de l’importante seigneurie du Kemenet Heboé démembrée vers 1200, avant d’être incluse à la paroisse de Caudan (Le Méné 1894, p. 155 ; Jaffré 1986, p. 73). L’édifice, en forme de tau, résulte de deux campagnes de construction différentes.
Le chœur à chevet plat et les deux grandes chapelles qui le flanquent, s’ouvrent par de grandes arcades à faisceaux de colonnettes et sont percées de hautes baies à réseaux de trilobes et quadrilobes, sauf à l’aile nord, traitée avec austérité. L’ensemble a été manifestement élevé d’un seul jet et forme la partie la plus ancienne, que l’on a hâtivement datée du XVIe siècle (Duhem 1932, p. 28), une estimation à réviser. L’examen des formes oriente plutôt vers les premières décennies du XVe, notamment les chapiteaux à galettes stylistiquement proches de ceux du chœur de la cathédrale de Tréguier bâti dans la seconde moitié du XIVe siècle, ou encore le détail archaïsant des voussures des grandes arcades reposant sur des bases indépendantes. Pour autant, certains éléments dissuadent de remonter plus haut que les années 1410-1420, notamment les bases flacon des grandes arcades, et les contreforts du chevet implantés à 45 degrés. La réanalyse de fragments de vitraux initialement supposés du XVIe siècle (Barrié 1975, p. 118), mais en réalité « semblant pouvoir être situés « dans le deuxième quart du XVe siècle » (Gatouillat, Hérold, 2005, p. 283) confortent cette datation. La nef, en inadéquation avec les parties orientales, témoigne d’une autre époque. Ses proportions ramassées ainsi qu’une « fenêtre en meurtrière très étroite, ébrasée à l’intérieur » au mur sud (Grand 1958, p. 238), l’ont fait remonter unanimement au XIIe siècle (ibid. ; Duhem 1932, p. 27-28 ; coll. 1996, p. 755), ce qui est douteux. La baie est plutôt un remontage malhabile à partir d’éléments en réemploi, la mouluration d’une porte au sud renvoie vers la fin du XVe ou au XVIe siècle, enfin les maçonneries des parois, cimentées, n’apprennent rien. L’ensemble fait davantage songer à une construction tardive réalisée à l’économie en achèvement du chœur et des chapelles.
Caudan, chapelle Notre-Dame de Trescouët, vue générale depuis le sud.
De la parure héraldique originelle, dont une part importante devait orner les vitraux disparus ou être peinte, huit écussons en pierre subsistent, tous sculptés à l’extérieur au sud. Leur concentration en cette zone, traditionnellement la plus soignée des églises bretonnes, se comprend d’autant mieux qu’elle offrait une excellente visibilité depuis la route qui la longeait (Vannes, AD du Morbihan, 3 P 76/10). La moitié des écus (armoirie 1a-d) montre un lion couronné aisément attribuable aux du Pou (Le Méné 1894, p. 156 ; Duhem 1932, p. 28 ; Coll. 1996, p. 755), une famille noble localement bien implantée. Originaires de la paroisse de Plouay au nord, ils étaient en Caudan seigneurs de Trémalo à quelques kilomètres au sud de la chapelle (Potier 1993, 2, p. 421), dont les prééminences dépendaient selon toute vraisemblance, et étaient aussi signalés aux lieux de Keraude et Kermoisan (Pencreac’h 2004). Lors de la Réformation de 1426, Tremalo, « manoir déjà qualifié d’ancien » (ibid.), était à Pezron du Pou (Jaffré 1986, p. 70), qui pourrait avoir été l’instigateur du décor armorié.
Baie au pignon de la chapelle sud encadrée de deux écussons aux armes du Pou, Caudan, chapelle de Trescouët.
Au pignon de la chapelle sud, les armes pleines des Du Pou encadraient la baie du pignon aux retombées de l’archivolte (armoirie 1 a-b). Sur l’écu de gauche (armoirie 1b), par un effet souhaité de symétrie, le lion est contourné, sans que ce détail soit signifiant. Leurs armes sont également à droite du fleuron à l’archivolte de la porte de la nef au sud (armoirie 1d), associées à un autre écu effacé (armoirie 4). Elles sont encore à l’écusson supérieur à la pointe du contrefort sud-est (armoirie 1c), dont la surface dégradée l’a fait croire illisible (Gertrude 1997). Un examen attentif et un éclairage adéquat révèlent toutefois la forme générale du corps du lion, sa gueule ouverte, les coussinets d’une patte antérieure et le panache de la queue. Enfin, au contrefort sud-ouest, elles sont mi-parties d’une alliance malheureusement illisible au second quartier (armoirie 2).
La présence de leurs armes aux meilleurs emplacements a fait penser que les Du Pou étaient seuls prééminenciers et par un raccourci hâtif que Notre-Dame-de-Trescouët était la « chapelle seigneuriale de [leur] famille » (Pérouse de Montclos 2002, p. 487). S’il n’y a pas de doute qu’ils puissent être considérés comme fondateurs, deux autres écussons sculptés à un niveau inférieur au contrefort sud-est de la chapelle sud (armoirie 3 a-b), attestent cependant qu’un second lignage prétendait à quelques droits. Ils sont ornés d’une figure de quadrupède dont l’exécution malhabile l’a faut confondre avec le lion couronné des Du Pou (coll. 1996, p. 755), ou a résisté à l’identification (Gertrude 1997). On reconnaît pourtant un cochon ou un sanglier, au dos arrondi et aux pattes ongulées, caractéristiques de la représentation de ces animaux dans l’art héraldique.
Écusson chargé d’un cochon ou sanglier au revers occidental du contrefort sud-est de la chapelle sud, Caudan, chapelle de Trescouët.
Cette figure est partagée par quelques familles nobles en Morbihan, parmi lesquelles les Saint-Nouay, éventuellement les Cancoët font les meilleurs candidats. Les premiers étaient originaires de Plouray à une quarantaine de kilomètres au nord, mais furent aussi sieurs de Kerincuff en Plouay, limitrophe au nord, et comparurent à des montres ou à la Réformation en la paroisse voisine de Lesbin-Pont-Scorff (Potier de Courcy 1993, 2, p. 542). Quant aux Cancoët, implantés en Saint-Gravé, ils furent seigneurs de Kerouallan en Languidic, à une douzaine de kilomètres à l’est (ibid., 1, p. 200). Sous réserve, peut-être un membre de l’une de ces familles, de son chef ou par alliance, a pu participer au financement du monument, ou prétendre à quelques droits, relégués en position inférieure sous les armes des Du Pou.
On retiendra de la chapelle Notre-Dame-de-Trescouët, édifice mal étudié, modeste mais de construction précoce dans le XVe siècle – antérieur en tous cas aux premiers grands chantiers flamboyants à l’ouest du Morbihan – l’exemple intéressant d’un partage héraldique entre deux prééminenciers de rang inégal, captant la meilleure exposition vers un axe de circulation localement très fréquenté.
Auteurs : Aziliz Sotin, Paul-François Broucke
Pour citer cet article
Aziliz Sotin, Paul-François Broucke, Caudan, chapelle Notre-Dame-des-Neiges ou de Trescouët, https://armma.saprat.fr/monument/caudan-chapelle-notre-dame-des-neiges-ou-de-trescouet/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
Vannes, AD du Morbihan, 3 P 76/10, Caudan. Cadastre napoléonien, section C de Trescoët, 1818, échelle 1 /2500e.
Bibliographie études
Barrié, Roger, « Trois vitraux méconnus du XVIe siècle en Bretagne occidentale. Fragments de vitrerie découverts à la chapelle Notre-Dame du Trescoët (hôpital Charcot) à Hennebont (Caudan) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 103, 1975, p. 116-120.
Coll., Le patrimoine des communes du Morbihan, 2, Charenton-Le-Pont 1996.
Duhem, Gustave, Les églises de France, Morbihan, Paris 1932.
Gatouillat, Françoise, Hérold, Michel, Corpus Vitrearum. Les vitraux de Bretagne, Rennes 2005.
Grand, Roger, L’art roman en Bretagne, Paris 1958.
Jaffré, Job, Seigneurs et seigneuries du Kemenet-Heboé, Spézet 1986.
Le Mené, Jean-Marie, Histoire archéologique, féodale et religieuse des paroisses du diocèse de Vannes, 2, Vannes, 1894.
Pencreac’h, Jacques, Histoire de la paroisse – 9 – 2004, < https://www.paroisse-caudan.fr/histoire-culture/histoire-de-la-paroisse/2004/1061-histoire-de-la-paroisse-novembre-2004 > (cons. le 29 janvier 2021).
Pérouse de Montclos, Jean-Marie (dir.), Dictionnaire guide du patrimoine. Bretagne, Paris 2002.
Potier de Courcy, Pol, Nobiliaire et armorial de Bretagne, Mayenne 1895 (rééd. 1993).
Rozensweig, Louis, Statistique archéologique de l’arrondissement de Lorient, Vannes 1860.