Initialement installés vers 1230 dans un logis avec terrain dans la paroisse Saint-Côme, qui leur avait été concédé par l’abbé de Saint-Germain, les Franciscains de Paris avaient pu se doter d’un propre couvent grâce au soutien du pape Grégoire IX et du roi Louis IX, ce dernier intéressé au développement des ordres monastique dans la ville (Raunié 1901, p. 215-216). A partir de 1240 les moines purent alors élargir leur résidence, d’abord, sur des terrains qu’ils avaient achetés à l’abbé de Saint-Germain, puis sur d’autres qu’ils avaient obtenus du roi (1269) et de l’abbé de Sainte-Geneviève (1286). En 1299, Philippe le Bel leur fit don de la ruelle qui séparait leur domaine en deux parties, leur permettant ainsi de renfermer leurs propriétés à l’intérieur d’un mur de clôture (Raunié 1901, p. 218-222). Les nouveaux remparts de la ville seront construits à partir de 1358 sur une partie de ces terrains, situées à peu près entre l’actuelle place de l’Odéon et le boulevard Saint-Germain.
Plan de Turgot, détail du couvent des Cordeliers à Paris (XVIIIe siècle).
La construction du couvent débuta par l’édification d’une nouvelle église, financée par Louis IX, qui fut consacrée le 6 juin 1262 sous le titre de Sainte-Madelaine (Raunié 1901, p. 232). L’église, l’une des plus vaste de la ville (Sauval 1724, p. 448), était formée par une nef et un chœur d’égale grandeur (huit travées chacun), terminés par un chevet de trois travées avec abside semi-circulaire (Raunié 1901, p. 260) ; un collatéral sur lequel s’ouvraient vingt chapelles complétaient l’édifice (ibid., p. 262). L’église donnait sur un cloître autour duquel étaient organisés les espaces nécessaires à la vie conventuelle. L’aile orientale de celui-ci, occupée par la sacristie et la salle du chapitre, fut construite en premier, tandis que d’autres édifices, comme le réfectoire et celui destiné à l’école de théologie, furent construits dans des proportions monumentales grâce à Anne de Bretagne (Raunié 1901, p. 234). En 1580 un incendie endommagea lourdement le couvent, détruisant notamment le chevet et le collatéral sud avec leurs chapelles. Si l’église sera reconstruite déjà à partir de 1582, le cloître ne sera refait qu’au cours du XVIIe siècle : des écus aux armes des chevaliers du Saint-Esprit, qui avaient contribué à la reconstruction de l’édifice, furent à ce moment peints sur les chaires du chœur (Raunié 1901, p. 261). Devenu célèbre comme lieu de réunion des membres du Club des Cordeliers, société politique fondée en 1790 exprimant la voix de la classe ouvrière, le couvent des Cordeliers fut d’abord aliéné en 1796, puis presque totalement rasé à partir de 1802 pour reconstruire, entre autre, l’école de médecine qui s’y était installée (Raunié 1901, p. 277-278). Seul le réfectoire subsiste de l’édifice d’origine (il a été classé au titre des Monuments Historiques en 1975 : base Mérimée) ; les quelques éléments du cloître ayant survécu aux démolitions ont été en revanche absorbés dans les bâtiments de l’Ecole de médecine.
P.-A. Demachy, Démolition du couvent des Cordeliers, vers 1802. Paris, musée Carnavalet, inv. D.506.
Considérée parmi les lieux privilégiés de sépulture par les élites de la ville, à l’instar des tous les couvents des ordres mendiants bâtis à travers l’Europe à la fin du Moyen Âge, l’église des Cordeliers abritait de très nombreuses sépultures. Si une grande partie de celles-ci avait été détruite déjà par l’incendie de 1580 – la chaleur dégagée par le feu de la charpente réduit en poudre la pierre des monuments et provoqua la fusion des œuvres en bronze : Raunié 1901, p. 232 et note 3) –, les sépultures échappées aux flammes ont été perdues au moment de la démolition des édifices au XIXe siècle. Les dessins réalisés par Louis Boudan pour la collection de François Reger de Gaignières et quelques fragments miraculeusement échappés aux flammes et aux pioches nous donnent un aperçu de cette gallérie d’hommes et femmes célèbres qui, dans leurs tombeaux, affichaient leur rang et leur place dans la société par le biais de portraits et de l’héraldique.
L. Boudan, Monument funéraire de Blanche de France aux Cordeliers à Paris. Paris, Bnf (Collecta)
Parmi ceux-ci, le tombeau de Blanche de France († 1320) mérite une réflexion à part. Fille de Louis IX et veuve de Ferdinand de la Cerda († 1275), fils et héritier d’Alphonse X de Castille, Blanche avait contribué à la construction du couvent parisien des Clarisses, mais avait été enterrée dans l’église des Cordeliers. Le monument funéraire qui abritait sa dépouille fut vraisemblablement reconstitué après l’incendie de 1580 (Raunié 1901, p. 293 ; Paris, BnF, ms. Clairambault 632, f. 143 : Collecta). Il est toutefois probable que cette reconstruction respectait dans l’ensemble la physionomie de la sépulture originaire, dès l’origine placé sous la première arcade du sanctuaire, côté gauche (L’art 1998, notice 50, p. 100). Le gisant de la dame habillée avec le costume des Clarisses était déposé sur un sarcophage noir, protégé par des grilles de fer terminant par des fleurs de lis (la statue en marbre blanc, à l’origine surmontée par un dais de la même couleur, est conservée dans l’abbaye Saint-Denis). Des sculptures étaient fixées sur les piliers encadrant le tombeau : derrière la tête de la princesse, l’épitaphe gravé aux XVIe siècle sur une table de marbre noir, était surmonté par deux anges portant aux cieux l’âme de la défunte ; à ses pieds, la statue de saint Louis, placée sur une console, surveillait son sommeil éternel (Beaumont-Maillet 1975, p. 279). Il surprend de constater qu’aucun élément héraldique n’est visible dans le dessin de Boudan.
Blanche de France en prière devant saint Louis. Paris, Musée Carnavalet, inv. AP 136.
A ce monument a été toutefois attribué un fragment sculpté conservé au Musée Carnavalet, dans lequel une priante en tenue de veuve ou de religieuse, identifiée avec Blanche par sa parenté avec la statue gisante, se présente devant saint Louis, couronné et jadis portant le sceptre et la main de justice (Paris, Musée Carnavalet, inv. AP136). Un écu de forme triangulaire et allongée occupe la partie droite du relief : il devait porter soit les armes de Blanche, soit celle de France (armoirie 1). Puisque aucune trace de bûchage n’est visible, nous pensons que l’armoirie n’avait pas été sculptée en relief mais seulement peinte. Par sa forme et ses dimensions (128 x 111 cm), cette œuvre de sculpture, datant vers 1300-1320 (vers 1315 ?), ne pouvait toutefois pas servir de gable dans le couronnement d’un hypothétique baldaquin surmontant le sarcophage (comme le pensent Babelon 1970 et Willesme 1979, pp. 187-188), dont aucune trace n’est d’ailleurs visible dans le dessin de Boudan. Il est en revanche vraisemblable qu’elle ornait la porte d’un autre bâtiment du couvent, peut-être l’entrée de la sacristie (L’art 1998, notice 50, p. 101). Blanche, qui avait fait réaliser des peintures illustrant des épisodes de la vie de son père dans le couvent parisien des Cordelières, aurait voulu ainsi célébrer la mémoire de saint Louis (ibid.).
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Paris, couvent des Cordeliers, https://armma.saprat.fr/monument/paris-couvent-des-cordeliers/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie études
Babelon, Jean-Pierre, « Une nouvelle image de saint Louis sur un bas-relief du Musée Carnavalet », Les monuments historiques de la France, 4, 1970, pp. 31-40.
Beaumont-Maillet, Laure, Le Grand Couvent des Cordeliers de Paris. Étude historique et archéologique du XIIIe siècle à nos jours, Paris 1975.
L’art au temps des rois maudits. Philippe le Bel et ses fils 1285-1328, catalogue de l’exposition (Paris 1998), Paris 1998.
Raunié, Emile, Epitaphier du vieux Paris, t. 3, Chartreux – Saint-Etienne-du-Mont, Paris 1901.
Sauval, Henri, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, t. 1, Paris 1724.
Willesme, Jean-Pierre, Catalogues d’art et d’histoire du Musée Carnavalet, t. 1, Sculptures médiévales (XIIe siècle-début du XVIe siècle), Paris 1979.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Paris, couvent des Cordeliers. Armoirie vierge (armoirie 1)
Armoirie vierge.
Attribution : Blanche de France ; Armoirie vierge ; Roi de France
Position : Inconnue
Pièce / Partie de l'édifice : Sacristie
Emplacement précis : Porte d'entrée
Support armorié : Gable
Structure actuelle de conservation : Paris, Musée Carnavalet