Déjà identifié avec le palais construit par Robert le Pieux, ou par sa femme Constance, au début du XIe siècle, le palais du « Séjour » est formé par deux corps de bâti, l’un daté du début du XIVe siècle, l’autre conservant une charpente du XVe ou du début du XVIe siècle (Victoir 2010, p. 167). Il devait constituer un des lieux de résidences des seigneur d’Etampes. Concédée d’abord à Blanche de Castille, puis à Marguerite de Provence, la seigneurie d’Etampes avait donnée par Philippe le Bel à Louis comte d’Evreux, son demi-frère, en 1307. Transformée successivement en baronnie, elle transita par la suite dans les possessions de plusieurs princes de la famille royale. Délaissé comme lieu de résidence par les membres de la famille royale depuis le début du XVIe siècle, le palais, qui était doté d’une chapelle depuis l’origine, fut transformé en palais de justice. Confisqué à la Révolution et classé comme bien national, il fut vendu en 1808 et transformé radicalement pour abriter les fonctions de tribunal.
Le tympan du mur pignon oriental de la grande salle, située au premier étage du corps de bâtiment principal et mesurant 18 mètres de long pour 8 mètres de large (Lefèvre-Pontalis 1908, p. 3), était entièrement couvert par une peinture murale dont les vestiges, découverts en 1882 (ibid., p. 4, note 4), sont aujourd’hui visibles, à la suite des transformations subies par le bâtiment, dans les combles de l’ancien palais. Nous conservons à peu près deux tiers de la fresque originale, la moitié droite étant presque totalement perdue (elle mesurait 7 mètres de largeur sur 2,75 mètres de hauteur). La scène est encadrée par une large bordure, limitée par des filets rouges et jaunes, qui suivait le profil de la charpente. Celle-ci est ornée de besants, alternativement jaunes et blancs, à l’origine chargés de « fleurons à quatre ou cinq branches » (Lefèvre-Pontalis 1908, p. 7). Dans la moitié gauche de l’image, trois hommes à cheval avancent vers le milieu de la scène accompagnés par des hommes en armure, dont on arrive encore à distinguer les têtes coiffées d’hauberts et d’heaumes arrondis (des cervelières ?). Les cavaliers, eux aussi représentés en armure, tiennent une lance à laquelle est accroché un pennon désormais dépourvu de toute trace d’emblématique éventuelle.
Un cheval couvert par une housse aux armes de France (armoirie 1) est placé au premier plan. Lefèvre-Pontalis (1908, p. 10 et 25 ; id. 1909, p. 16) prétendait qu’il était monté par le personnage coiffé d’une sorte d’heaume jaunâtre qui se démarque dans la foule. L’érudit, interprétant le couvre-chef comme une « aumusse » de veuve, identifiait cette figure avec la reine Maire de Brabant, seconde femme de Philippe le Hardi, tenant un sceptre avec sa main droite (ibid., p. 17). Le personnage est en revanche clairement habillé d’un surcot blanc et tient un bâton sur son épaule, comme enseigne du pouvoir (Victoir 2010, p. 155). S’il est plausible qu’il s’agit d’un connétable ou maréchal au service du roi (ibid., p. 163-165), il est en revanche improbable qu’il monte le cheval à la housse fleurdelisée, s’issant plutôt sur le cheval jaunâtre représenté en deuxième plan. Aucun cavalier semble en effet monter le premier animal dont sa selle, bien visible, est vide. Comme sa housse l’indique, le cheval devait appartenir au souverain représenté au milieu de la peinture (Le Deschault de Monredon 2015, p. 139). Un homme à pied, représenté devant l’animal, semble d’ailleurs en tenir les brides.
Aux chevaux longs et barbu, coiffé d’une couronné, le roi est assis sur un trône pliable placé sous une tente fleurdelisée, soutenue par des pals en bois (armoirie 2). Il est habillé d’une veste qui lui arrive aux genoux, aux couleurs des armes de France (armoirie 3) (des traces compatibles aux formes d’une bordure engrêlée sont visibles, mais elles ont été probablement provoquées par la chute de la peinture). Les jambes croisées, avec une main posée sur la cuisse (Victoir 2010, p. 155, 165), le roi indique devant soi avec la main droite, dans l’attitude typique du donneur d’ordres. De la partie gauche de la scène ne reste que quelque débris, appartenant à des pieds d’après le relevé publié au début du XXe siècle (Lefèvre-Pontalis 1909, fig. 1).
L’interprétation de la scène demeure problématique. Lefèvre-Pontalis y voyait la représentation de la concession de la baronnie d’Etampes à Louis d’Evreux par Philippe le Bel en 1307, à son dire réalisée peu après le fait (Lefèvre-Pontalis 1908, p. 24, 26). Pour des raisons de style et d’iconographie, il lui parait moins probable que la scène avait été peinte à une date plus récente et qu’elle pouvait être par conséquent associée soit à l’érection de la baronnie d’Étampes en comté par Charles IV en 1327, soit à la concession d’un ordre de chevalerie à un membre de la famille royale (id. 1908, p. 23-24). L’interprétation proposée par Lefèvre-Pontalis a été largement partagée, à de rares exceptions (Subes-Picot 1999, p. 43-46), par les études successives qui se sont essentiellement limités à en retarder l’exécution peu après 1307 (Deschamps, Thibout 1963, p. 235). Les hypothèses avancées jusqu’à présent laissent toutefois insatisfaits puisque la scène, se déroulant sans doute à l’extérieur, semble plutôt connectée à un fait d’armes et présenter le roi donnant des ordres avant ou après un combat à la présence de son armée (ibid., p. 139). Quel qu’en soit, il faudra observer que ce grand tableau d’histoire, qui a été daté des années 1330-1340 en raison des détails de la mode et des armures (Victoir 2010, p. 171), s’inscrit dans la pratique de l’époque d’orner les résidences princières de peintures qui, décrivant des événements d’actualité, consacraient une attention particulière aux éléments héraldiques. La peinture jadis ornant la résidence de Mahaut d’Artois à Conflans, datées de ces mêmes années, en donne la preuve.
Auteur : Matteo Ferrari
Pour citer cet article
Matteo Ferrari, Étampes, Palais royal (Palais du « Séjour »), https://armma.saprat.fr/monument/etampes-palais-royal-palais-du-sejour/, consulté
le 03/12/2024.
Bibliographie études
Chatenet, Monique, Faucherre, Nicolas, Subes, Marie-Pasquine, « Les résidences royales d’Etampes », dans J. Fritsch, D. Hervier (dir.), Etampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, Paris 1999, p. 39-59.
Deschamps, Paul, Thibout, Marc, La peinture murale en France au début de l’époque gothique, Paris 1963.
Le Deschault de Monredon, Térence, Le décor peint de la maison médiévale. Orner pour signifier en France avant 1350, Paris 2015.
Lefèvre-Pontalis, Louis-Eugène, « La peinture historique du Palais Royal d’Etampes (1307) avec un appendice sur les peintures de la chapelle de Farcheville », Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, 26, 1908, p. 1-36.
Lefèvre, Louis-Eugène, L’ancien palais royal à Etampes et sa peinture historique (XIe et XIVe siècles), Paris 1909.
Subes-Picot, Marie-Pasquine, « Les résidences royales d’Étampes » dans Fritsch, Hervier (dir.), Etampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, op. cit., p. 43-46.
Victoir, Géraldine, « La peinture murale du palais du séjour », dans E. Baillieul (dir.), Art et architecture à Etampes au Moyen Âge, actes de la journée d’études (Etampes 2008), Etampes 2010 (Mémoires et documents de la Société historique et archéologique de l’Essonne et du Hurepoix, 20), p. 155-177.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Étampes, Palais royal (Palais du « Séjour »). Armoirie roi de France (armoirie 1)