Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption
L’église paroissiale de Bazoges-en-Pareds, placée sous le patronage de Notre-Dame de l’Assomption, était auparavant une église castrale, parfaitement intégrée aux systèmes défensifs du château. Elle fut construite au XIe siècle, comme en témoigne le fait que, aux alentours de 1090, Thibaut Luneau et ses frères offrent plusieurs de leurs biens à l’abbaye Saint-Pierre de Maillezais, parmi lesquels en particulier l’église de Bazoges est mentionnée (la charte de donation est d’ailleurs signée sur l’autel de celle-ci : Dom Fonteneau, XXV, 31). L’église d’alors ne devait compter qu’une nef à trois travées, la dernière surmontée d’une tour-clocher, et un chœur (Dillange 1983, p. 51). De ce premier bâtiment des XIe-XIIe siècles, il ne reste que le mur nord de l’actuelle église et la tour-clocher, portée par une élégante coupole sur trompe. Son plan actuel a été en effet défini par les travaux réalisés entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle. En 1472, Jean II Girard (v. 1445-1480), seigneur de Bazoges depuis deux ans, obtient l’autorisation de fortifier la place (Paris, AN, R1 203). S’il ne semble pas avoir touché au donjon construit par ses ancêtres, il modifie intégralement le plan de l’église.
Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption, intérieur (nef).
Une nouvelle nef, plus large et plus haute que la première mais plus courte (deux travées au lieu de trois) est ajoutée au sud : la première nef devient ainsi un simple bas-côté du nouvel édifice. Le chœur roman est par conséquent détruit et le nouveau est placé à l’angle sud-est du bâtiment, dans le prolongement de la nouvelle nef. Au nord-est, là où devait se trouver le chœur originel, une chapelle seigneuriale est construite, vraisemblablement sur les vestiges du premier niveau d’une ancienne tour du château, détruite dans ce chantier (Brusseau 2020). Comptant deux travées, elle est orientée nord-sud en raison de la topographie du site.
Encore en bon état lors de la visite de l’évêque de Luçon en 1778 (La Roche-sur-Yon, AD 85, AHD Luçon VP1, fol. 169-171), l’église subit les effets de la guerre de Vendée. « Dévastée par l’impiété révolutionnaire » comme l’indique une inscription de 1823 sur l’arc séparant la nef du chœur, elle est pillée (et peut-être en partie incendiée), probablement lors du passage d’une des colonnes incendiaires à Bazoges, le 30 janvier 1794. Des réparations sont indispensables, mais la municipalité, propriétaire de l’église, n’en a pas les moyens : elle n’obtient que 800 francs d’aide pour cela (Hillereteau 1925, p. 570). Les restaurations s’échelonnent donc tout au long du XIXe siècle (Bazoges-en-Pareds, AM, Comptes-rendus de conseils municipaux) : pose de voûtes en lambris dans les nefs et le chœur, d’un nouveau dallage effaçant le sol médiéval, consolidation des voûtes de la chapelle et de la coupole du clocher, nouveau mobilier, nouvelles cloches, restauration des modillons extérieurs, etc. La dernière campagne de restauration (1958 à 1962), voit la réfection du pilier central sur lequel repose tout l’édifice, et la pose d’un sol de béton dans les nefs, de nouveaux vitraux et d’un nouveau maître autel (Rouhaud 2007).
Pilier orné d’un écu aux armes des Girard. Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption.
Malgré ces travaux très invasifs, l’église Notre-Dame conserve encore quelques éléments médiévaux, en particulier des décors héraldiques, qui ont néanmoins été remaniés au XIXe siècle, même si les sources écrites ne permettent pas de dire à quel point ils ont pu être modifiés. La chapelle seigneuriale concentre la majorité de ces pièces. Ses deux travées sont voûtées d’ogives, et ce sont les culots et les clés de voûtes qui servent de support aux armoiries faisant vraisemblablement partie d’un seul ensemble. Si les contours d’un écu sont bien visibles sur la clé de voûte de la première travée, les armoiries qu’il portait sont irrémédiablement effacées et demeurent inconnues (armoirie 1). L’autre clé de voûte porte en revanche un écu mi-parti encore parfaitement lisible (armoirie 2). Alliant les armes de la famille de Marafin (Bibale), à senestre, à un burelé, à dextre, sur lesquels nous reviendrons plus loin, il doit identifier Jeanne de Marafin, épouse de Jean II Girard, le commanditaire de la chapelle.
Les deux piliers séparant les travées portent des chapiteaux eux aussi ornés d’armoiries. Sur le pilier occidental, l’écu est chargé d’un oiseau (un pélican ou une grue ?) tenant en son bec un poisson, accompagné de deux coquilles en chef (armoirie 3). Ces armes sont inconnues et ne correspondent, à ma connaissance, à aucune famille liée à Bazoges. Il pourrait s’agir d’une invention du XIXe siècle, mais l’absence de documentation ne permet pas de trancher. En face, le pilier oriental porte un écu chargé des armoiries losangées de la famille Girard constructeurs de la chapelle (armoirie 4).
Angelot soutenant un écu aux armes de Catherine de Montberon. Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption.
Enfin, les culots sud-est de la deuxième travée et ceux nord-est et sud-est de la première sont constitués d’anges portant un écu chargé des mêmes armes (armoiries 5a-c), dont l’interprétation pose plusieurs problèmes, notamment en raison de l’armorie qui figure dans la moitié senestre de l’écu : un mi-parti/parti que le sculpteur a eu quelques difficultés à représenter à cause de sa complexité. L’armoirie se compose, à dextre, d’un burelé ou fascé dont l’identité reste incertaine et qui semble évoquer celui déjà observé en clé de voûte sur les armes de Jeanne de Marafin (dont la généalogie familiale ne peut pas remonter avant ses parents) : cette-fois l’ajout de fleurs-de-lys, dans une sorte de trescheur posé sur la troisième fasce, laisse toutefois penser à une augmentation dont nous ne connaissons pas l’origine (une concession ?). La moitié dextre rassemble en revanche les armes écartelées de la famille de Montberon (Bibale) avec celles de la famille de Clermont (de gueules semé de trèfles d’or, à deux bars adossés de même). Ces armes mi-parties peuvent être attribuées à Catherine de Montberon († v. 1482) : fille de Louise de Clermont et de François Ier de Montberon, elle était l’épouse de Joachim Girard (v. 1406-1470) et la mère de Jean II, commanditaire des travaux de l’église en 1472-1480 (Beauchet-Filleau 1909, p. 160). Nous noterons que les deux moitiés sont inversées dans l’armoirie placée sur le cul-de-lampe situé dans l’angle sud-est de la première travée (armoirie 5c), probablement afin de mettre à l’honneur les armes Montberon-Clermont qui, par ce choix, figuraient d’une partie et d’autre de la fenêtre ouverte sur le mur est (la chapelle est orientée nord-sud).
Le chœur de l’église enferme le dernier décor armorié. Il s’agit de l’ancien dossier du banc réservé aux seigneurs de Bazoges, constitué d’un bas-relief de style flamboyant portant en son centre un écu bannière d’environ vingt centimètres de côté (armoirie 6). Il porte un écartelé regroupant quatre armoiries distinctes : celles de la famille Girard (losangé d’argent et de gueules), de la famille du Puy-du-Fou (de gueules à trois macles d’argent), de la famille Harpedanne de Belleville (gironné de vair et de gueules), et enfin du fascé à la fasce chargée de fleurs de lys que l’on vient de voir dans l’armoirie de Catherine de Montberon. De part et d’autre de l’écu, des piliers également chargés de fleurs de lis contre-fleurdelisées encadrent l’armoirie. Cet ensemble peut être attribué à Jean III Girard (v. 1503-1563), seigneur de Bazoges, ou bien à son père Joachim II (v. 1460-1505) : ce-dernier a épousé en troisièmes noces, vers 1502, Jacquette du Puy-du-Fou, fille de Marguerite Harpedanne (Brusseau 2021). Il daterait donc des premières années du XVIe siècle.
Dossier aux armes de Jean II Girard. Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption.
Parmi les différentes armoiries figurées dans l’église, donc, celles aux fasces chargées de fleurs-de-lys se distinguent. Le grand nombre de ces armes dans l’église (5 des 8 armoiries aujourd’hui visibles) et dans le donjon voisin (3 sur 5) indique qu’elles sont fortement liées à la seigneurie. Or, leur identification pose problème. Les Girard, constructeurs de la chapelle seigneuriale et du donjon, portent un losangé d’argent et de gueules, qui ne correspond donc pas à ces armes, que nous ne retrouvons non plus dans les familles de leurs épouses (en tout cas pour celles dont les armes sont connues). En revanche, les rares sceaux armoriés des Girard conservés portent ces fleurs de lys. Celui de Regnault Girard (v. 1380-1463) porte un écu burelé qui relègue le losangé de sa famille dans un canton (Paris, BnF, ms. Clairambault 53, p. 4029) ; celui de son fils Joachim (époux de Catherine de Montberon et père de Jean II) un écartelé alliant le losangé familial à un burelé à deux fleurs de lys brochant (Paris, BnF, ms. fr. 27813, Pièces originales 30086, doss. 1329, num. 9). Quant aux représentations dans l’église, elles allient les armes fleurdelysées à celles des épouses de Joachim et de Jean II. Ainsi, ces armes inconnues, burelées ou fascées et chargées de fleurs de lys, sont fortement associées aux Girard. Certains auteurs y ont vu les armoiries de la famille Luneau, dont la dernière représentante, Marie (v. 1350-1422) apporte Bazoges à son époux Jean Girard (v. 1350-1409) (Gorphe 1993). Or, les armoiries des Luneau seraient plutôt d’argent à la croix engrêlée de sable et à la bordure de gueules (Paris, BnF, ms. Fr. 31044, fol. 17v), ce qui ne correspond pas. L’hypothèse selon laquelle l’armoirie serait une brisure des armes de Catherine de Montberon (Rouhaud 2003) est également à évacuer puisque Regnault Girard, beau-père de Catherine, portait déjà ce burelé
Auteur : Clément Brusseau
Pour citer cet article
Clément Brusseau, Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption, https://armma.saprat.fr/monument/bazoges-en-pareds-eglise-notre-dame-de-lassomption/, consulté
le 21/11/2024.
Bibliographie sources
Bazoges-en-Pareds, AM, Comptes-rendus de conseils municipaux évoquant les restaurations de l’église).
La Roche-sur-Yon, AD 85, AHD Luçon VP1.
Paris, AN, R1 203 apanage d’Artois.
Paris, BnF, ms. Fr. 31044 (Cabinet de d’Hozier 163).
Poitiers, BM, coll. Dom Fonteneau, vol. XXV.
Bibliographie études
Beauchet-Filleau Henri, et alii, « Girard », dans Iid., Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, t. 4, Poitiers, 1909, p. 158-162.
Brusseau Clément, Bazoges-en-Pareds : une seigneurie poitevine au Moyen Âge, mémoire de Master 1, dir. M. Aurell, Université de Poitiers, 2020.
Brusseau Clément, Les Girard : une famille de la noblesse française (xiie-xvie s.), mémoire de Master 2, dir. M. Aurell, Université de Poitiers, 2021.
Dillange Michel, Églises et abbayes romanes de Vendée, Marseille 1983.
Gorphe Jacques, La Tour de Moricq, Angles, Vendée, Angles 1993.
Hillereteau Louis, La renaissance religieuse en Vendée au début du xixe siècle, t. 1, Luçon 1925.
Rouhaud Alain, « Les losanges et les lis de Bazoges », Bulletin municipal, 2003, p. 80-89.
Rouhaud Alain, « L’église, l’archéologue et les éperons dorés », Bulletin municipal, 2007, s. p.
Photographies du monument
Armoiries répertoriées dans ce monument
Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption. Armoirie bûchée ? (armoirie 1)
Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption. Armoirie Catherine de Montberon (armoirie 5a-c)
Mi-parti : au premier burelé de… et de… de dix pièces, la troisième burelle chargée d’un trescheur ? de… (inconnu) ; au deuxième mi-parti : au 1 écartelé, aux 1 et 4 burelé d'(argent) et d'(azur) et aux 2 et 3 de (gueules) plain (Montberon) ; au 2 de (gueules), semé de trèfles d'(or) à deux bars adossés du même (Clermont-Nesle).
Bazoges-en-Pareds, église Notre-Dame de l’Assomption. Armoirie Jean III Girard (armoirie 6)
Ecartelé : au 1 losangé d’(argent) et de (gueules) (Girard) ; au 2 de (gueules) à trois macles d’(argent) (Puy-du-Fou) ; au 3 de… à deux fasces de…, à la fasce fleurdelisée et contre-fleurdelisée de… de trois pièces brochant sur le tout. (inconnu) ; aux 4 gironné de (gueules) et de (vair) (Harpedanne de Belleville).
Attribution : Girard Jean III
Position : Intérieur
Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle ; Chevet ; Chœur