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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Paris, Hôtel de Thiron

 

L’Hôtel de Thiron (ou Tiron) appartenait à l’abbaye homonyme située dans la commune actuelle de Thiron-Gardais, dans l’Eure-et-Loir. Placée dès le début du XIIe siècle sous protection royale, dans les siècles suivants l’abbaye bénédictine bénéficia de donations et privilèges concédés par les rois de France et confirmés par Louis XI en 1469 (Pastoret 1820, p. 269). Comme de nombreux autres membres du haut clergé (évêque de Sens, abbé de Cluny, etc.), l’abbé de Thiron disposait d’une résidence à Paris, bâtie dans la rue Tiron, sur la rive droite de la Seine. Documentée depuis le début du XVe siècle (Lazare, Lazare 1844, p. 636), elle avait été baillée à des hôteliers déjà dans les années 1480-1490 (Hamon 2011, p. 136).

L. Boudan, Porte de derriere de l’hostel de Thiron. Paris, BnF (Collecta).

Un dessin de Louis Boudan représentant le corps de bâtiment donnant sur la rue Saint-Antoine (actuelle rue de Rivoli) (Paris, BnF, dép. est. et photo, VA-249(G)-FOL : Collecta) atteste que la résidence ne fut toutefois pas abandonnée par ses propriétaires, et fit l’objet de quelques remaniements architecturaux à l’époque flamboyante. C’est à ce moment que la « porte de derrière » de l’hôtel fut refaite (Hamon 2011, p. 137) et ornée d’un ensemble sculpté remarquable, aujourd’hui perdu. Deux consoles, ornées d’angelots portant des écussons armoriés (armoiries 1a-b), soutiennent une accolade qui n’est pas terminée par le fleuron habituel, mais par un tabernacle contenant une représentation de la Trinité, vocable de l’abbaye qui détenait la propriété de l’immeuble (ibid.). Dans le tympan délimité par les deux parties de l’accolade, deux anges assis dans des feuilles charnues, semblent tenir un bâton et sont surmontés par une cartouche où était inscrit le nom « Thiron ». Juste au-dessus, deux autres anges, ceux-ci agenouillés sur des nuages, soutiennent un troisième écu armorié de plus grande taille (armoirie 2). Comme les deux écussons reproduits sur les consoles soutenant l’accolade, celui-ci porte une sorte de croix très fine, qui correspond sans aucun doute à la partition d’une armoirie écartelée.

L. Boudan, Porte de derriere de l’hostel de Thiron, détail (Trinité et écu armorié). Paris, BnF (Collecta).

Le fait que l’écu placé à la sommité de l’accolade soit posé sur une crosse permet d’attribuer les trois armories à un abbé de Thiron et, plus précisément, à Louis II de Crevant (abbé de 1501 à 1549) ou, plus probablement, à son prédécesseur Louis Ier (abbé de 1498 à 1501) (Fret 1840, p. 533). Cette famille – originaire de Touraine et de Berry, puis installée en Charente – portait en effet un écartelé d’argent et d’azur (Les Blasons de la Charente). Par ailleurs, nous noterons que le group sculpté trônant à l’entrée de l’hôtel de Thiron rappelle de près l’iconographie du sceau de Louis Ier (AD Loir et Cher, S 3597 : Sigilla), présentant la Trinité dans un tabernacle qui surmonte le portrait de l’abbé accosté par deux écus à ses armes écartelées, posés sur une crosse et timbrés d’un chapeau. Dans un cas, comme dans l’autre Louis de Crevant se met donc sous la protection de la Trinité, alors que, dans le portail parisien, les anges portent ses armes vers le ciel, lui rendant en vie les honneurs attribués aux élus.

Sceau (moulage) de Louis de Crevant. AD Loir et Cher, S 3597 (Sigilla).

La réfection du portail de l’hôtel de Thiron, sans doute déjà perdu quand Alfred Bonnardot copia le dessin de Boudan au XIXe siècle (Paris, Musée Carnavalet, inv. D.7237), peut donc être interprétée comme le signe d’un nouvel intérêt des abbés vers leur résidence parisienne. Comme d’autres prélats influents de l’époque (Hamon 2011, p. 137), les abbés de Thiron voulaient sans doute profiter de leur pied-à-terre dans la capitale pour pouvoir mieux défendre leurs intérêts et ceux de l’institution qu’ils gouvernaient auprès du roi et de la cour. Il ne s’agit toutefois que d’une parenthèse de courte durée. A partir de 1551 l’abbaye de Thiron fut en effet donnée en commende, ce qui marqua le début de sa décadence. L’hôtel parisien, qui n’avait plus d’intérêt aux yeux de nouveaux abbés, fut à nouveau cédé en bail. En 1586, Philippe Desportes, conseiller et aumônier du roi et abbé commendataire de l’abbaye de Tiron, concède ainsi à Jean Estienne, marchand et bourgeois de Paris, en bail pour neuf ans la maison et hôtel de Tiron, «où est pour enseigne la Trinité», moyennant 150 écus de loyer annuel (Paris, AN, MC/ET/VIII/398, 30 juillet 1586 : Minutes et répertoires 2013, p. 88).

Auteur : Matteo Ferrari

Pour citer cet article

Matteo Ferrari, Paris, Hôtel de Thiron, https://armma.saprat.fr/monument/paris-hotel-de-thiron/, consulté le 28/03/2024.

 

Bibliographie sources

Alfred Bonnardot, Porte de l’Hôtel de Thiron. Paris, Musée Carnavalet, inv. D.7237.

Louis Boudan, Porte de derriere de l’hostel de Thiron. Paris, BnF, Département des Estampes et de la photographie, VA-249(G)-FOL (Collecta).

Minutes et répertoires du notaire François CROISET, 29 mars 1559-1602 (étude VIII). Répertoire numérique détaillé, Pierrefitte-sur-Seine 2013.

Pastoret, Emmanuel de, Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. 17, Paris 1820.

Bibliographie études

Fret, Joseph, Antiquités et chroniques percheronnes…, t. 3, Mortagne 1840.

Hamon, Etienne, Une capitale flamboyante. La création monumentale à Paris autour de 1500, Paris 2011.

Lazare, Félix, Lazare, Louis, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, Paris 1844.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Paris, Hôtel de Thiron. Armoirie Louis Ier de Crevant (armoiries 1a-b)

Écartelé d'(argent) et d'(azur).

Tenant : un ange.

  • Attribution : Crevant Louis Ier de
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Corps de bâtiment sur rue
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Accolade ; Console
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Paris, Hôtel de Thiron

Paris, Hôtel de Thiron. Armoirie Louis Ier de Crevant (armoirie 2)

Ecartelé d'(argent) et d'(azur).

Timbre : une crosse.

Tenant : deux anges.

  • Attribution : Crevant Louis Ier de
  • Position : Extérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Corps de bâtiment sur rue
  • Emplacement précis : Portail
  • Support armorié : Accolade ; Console
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Sculpture en pierre
  • Période : 1476-1500
  • Dans le monument : Paris, Hôtel de Thiron

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