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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Plourin, chapelle Saint-Roch

 

 À environ deux kilomètres et demi à l’ouest du bourg de Plourin, la chapelle Saint-Roch se dresse en retrait de la route départementale 68 menant à Argenton. C’est un petit édifice, mesurant à peine treize mètres de long par six de large, à nef unique et chevet plat, coiffé d’un grand toit en bâtière. Le jour y est donné par une baie d’axe de proportions médiocres, et deux petites fenêtres à lucarne une au nord et au sud. La partie la plus remarquable est la façade occidentale, assez gracile, coiffée d’un clocheton à flèche cantonné de quatre pinacles. Outre un oculus en hexalobe, on remarque la porte en plein cintre en granite gris, d’une structure assez conventionnelle à deux rangs de voussures et colonnettes, ornée d’un fleuron et de trois écussons (armoiries 1 a-c). Ces éléments sont manifestement plus anciens, pouvant remonter au milieu du XVe siècle. Certains détails stylistiques de la porte, notamment la légère pointe en retrait des bases, et ce que l’on perçoit de la forme de la plinthe, dissuadent toutefois de remonter trop haut les estimations.

Plourin, façade occidentale de la chapelle Saint-Roch.

On a longtemps maintenu que la chapelle avait été édifiée à neuf en 1649, en action de grâce suite à plusieurs épidémies qui dévastèrent la région dans les décennies 1630-1640 (Peyron 1907, p. 212 ; Pérennès 1942 ; Le Guennec 1981, p. 249 ; Couffon, Le Bars 1988, p. 307 ; Flohic 1998, 2, p. 976-977). La tradition alla même jusqu’à postuler que sa situation un peu excentrée était pour « que les éventuels porteurs de la maladie […] soient isolés, et éviter ainsi la propagation » (Flohic 1998, p. 977), une interprétation haute en couleurs mais aventurée. En fait, la datation elle-même est discutable : elle repose sur un compte de fabrique se référant au versement « de 30 livres à Jean Férelloc et Paul Cadiou et 52 livres à Guillou Pellé, charpentier » (Pérennès 1942), une mention précieuse mais en l’état insuffisante. Les sommes versées, modestes, font douter de ce qu’elles aient pu suffire à payer la construction. Par comparaison, le calvaire de l’église de Rosnoën réalisé la même année, d’excellente facture mais d’une taille assez modeste, coûta cinq fois plus cher (Le Seac’h 2014, p. 309). En l’attente d’un réexamen des archives, l’hypothèse d’une édification ex nihilo en 1649 reste donc largement hypothétique.

Plourin, vue générale de la chapelle Saint-Roch depuis le sud.

En 2018, une relecture minutieuse des maçonneries a révélé un scénario plus compliqué mettant en évidence deux étapes de construction (Croguennoc 2018). Les derniers mètres du mur nord et les premières assises du chevet, liaisonnés et appareillés avec soin, attestent d’un premier état de l’édifice, qui a été ultérieurement agrandi en reconstruisant le mur sud et en réimplantant la façade quelques mètres à l’ouest (ibid.). Ce constat a fait supposer « comme très probable que la chapelle Saint-Roch […] soit un édifice du XIXe siècle construit en extension de la chapelle d’origine de 1649 » (ibid.), ce qu’authentifie une mention de 1917 anonyme mais peut-être attribuable au recteur de la paroisse : « Er bloavez 1866, tud Plourin, o velet oa goall vian ar chapel evit an niver braz a dud a deuz den em erbedi ouz sant Rok a c’houlemniz ma vijé great eur gezt er barrez evit krezki ar chapel koz. Ar gezt-re a roe great gant François Arzur (En l’an 1866, les gens de Plourin, voyant que la chapelle était bien petite pour le grand concours de personnes qui venait y prier saint Roch demandèrent que la paroisse fit un geste pour agrandir la vieille chapelle. Ce geste fut fait par François Arzur ; traduction : Aziliz Sotin) » (La chapelle Saint-Roch 2018).

Vue générale de la porte occidentale armoriée, Plourin, chapelle Saint-Roch.

L’exposé qui précède fait comprendre que la porte armoriée du XVe siècle, dans sa structure actuelle, est un remontage. Ses pierres de taille calibrées et réglées n’ont aucun lien avec les parois adjacentes en moëllons. Avant le déplacement de la façade en 1866, on ne peut que conjecturer l’origine de la porte. On a imaginé qu’elle « pourrait provenir d’un autre édifice plus ancien que la chapelle d’origine » (Croguennoc 2018), ayant pu à cette occasion être prélevée sur des ruines, peut-être d’un manoir ou d’une chapelle. Bien qu’envisageable, cette proposition frotte un peu en laissant dans l’expectative la provenance des autres éléments sculptés et en postulant la coïncidence heureuse de leur disponibilité à ce moment-là. En réévaluant la portée des travaux de l649, qui n’ont peut-être été qu’une grosse campagne de réfection, ne pourrait-on pas plutôt avancer, sous réserve, que la chapelle Saint-Roch pourrait remonter au Moyen Âge ? Elle aurait fait l’objet d’importants remaniements en 1649, qui aurait en partie dilué ses caractères anciens par l’adjonction d’une nouvelle charpente, de lucarnes, d’une maîtresse-vitre, de quelques apports au goût du jour. Selon ce nouveau scénario, que seul un examen archéologique plus approfondi pourrait confirmer, la porte du XVe siècle pourrait être d’origine et, hormis son remontage en 1866, n’avoir jamais bougé du monument.

Écusson aux armoiries indéterminées (armoirie 1a) sous le fleuron de la porte occidentale, Plourin, chapelle Saint-Roch.

Des trois écussons, le plus haut est amputé d’un tiers (armoirie 1a), il ne subsiste que la forme du second (armoirie 1b), et le troisième est lisse (armoirie 1c). Cet état très dégradé n’a pas empêché de « distinguer vaguement le fascé des du Chastel » (Le Guennec 1981, p. 249) au premier écusson, selon une interprétation optimiste, répétée dans la suite. Si l’on a effectivement l’impression de reconnaître les contours estompés de formes horizontales qui pourraient se lire comme un fascé, la disparition de la pointe de l’écu, l’altération du reste de sa surface et la présence envahissante de lichens obligent à faire montre de beaucoup plus de retenue. De même, au milieu d’un secteur où se concentrait un groupe héraldique de plusieurs familles blasonnant d’un fascé de six pièces, l’attribution aux du Chastel apparaît comme un raccourci rapide. Si dans l’éventualité que l’écusson serait bien armorié d’un fascé ils formeraient certes de bons candidats, on pourrait tout autant proposer les seigneurs de Kergroadez, qui portaient un fascé d’argent et de sable de six pièces, dont le manoir n’était distant que de cinq kilomètres au sud-est, et qui détenaient d’importants droits honorifiques dans l’ancienne église paroissiale (Lulzac 2002, p. 71). En outre, la teneur des prééminences des deux lignages est connue en détail à la fin de l’Ancien Régime : de part ou d’autre, on ne trouve nulle mention d’un patronage de la chapelle. Il faut enfin rappeler la présence à peu de distance d’autres familles ayant elles aussi porté un fascé, comme les Penancoat ou les Keroulas. Interprété dans un sens ou son contraire, ces remarques pourraient donc autant servir à essayer de confirmer l’attribution d’un fascé renforçant l’hypothèse d’une origine exogène tardive de la porte, ou tout à l’inverse à supposer que celle-ci a toujours été en place sans que l’on puisse statuer sur les armoiries.

En conclusion, si la porte de la chapelle Saint-Roch en Plourin ne revêt aucun intérêt esthétique pour l’étude de l’art héraldique monumental, si elle se révèle une pièce bien peu fiable à verser au dossier emblématique des du Chastel ou des Kergroadez, elle constitue en revanche un exemple archétypal de la somme de risques et de difficultés à vouloir attribuer le décor héraldique mutilé d’un monument mal connu. Porte d’origine aux armoiries illisibles ou porte de provenance exogène aux armoiries fascées ? Telle famille ou telle autre, ou une autre encore ? Tout étant affaire d’interprétation, mieux vaut éviter de se prononcer et s’en tenir raisonnablement aux hypothèses.

Auteur : Paul-François Broucke

Pour citer cet article

Paul-François Broucke, Plourin, chapelle Saint-Roch, https://armma.saprat.fr/monument/plourin-chapelle-saint-roch/, consulté le 28/03/2024.

 

Bibliographie sources

Nantes, AD Loire Atlantique, B 1059, f. 285, aveu par Louise de Penancoat de Keroual pour la baronnie de Trémazan, avec mention des prééminences pour les églises et chapelles du ressort de la sénéchaussée de Saint-Renan dont la paroisse de Plourin, 1684.

Bibliographie études

Coll., Le patrimoine des communes du Finistère, 2, Charenton-Le-Pont 1998.

Couffon, René, Le Bars, Alfred, Diocèse de Quimper et Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper 1988.

Croguennoc, Dominique, La maçonnerie de Saint-Roch, 2018, URL : https://www.plourin.fr/patrimoine/chapelles/article/la-maconnerie-de-saint-roch (consulté le 20 février 2021).

Le Guennec, Louis, Le Finistère monumental, 2, Brest et sa région, Quimper 1981.

Le Seac’h, Emmanuelle, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle, Rennes 2014.

Lulzac, Yves, Chroniques oubliées des manoirs bretons, 4, La maison de Kergroadez, Nantes 2002.

Pérennès, Henri, Plourin-Ploudalmézeau et Brélès, monographie des deux paroisses, Saint-Brieuc 1942.

Peyron, Paul, « Églises et chapelles du Finistère (suite) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 34, 1907, p. 199-212.

La chapelle Saint-Roch, 2018, URL : https://www.plourin.fr/patrimoine/chapelles/article/la-chapelle-saint-roch (consulté le 20 février 2021).

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Plourin, chapelle Saint-Roch. Armoirie illisible (armoirie 1a).

Armoirie illisible.

  • Attribution : Armoirie illisible
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Porte d'entrée
  • Support armorié : Clef de la porte
  • Structure actuelle de conservation : Déplacée dans le même monument
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1451-1475 ; 1476-1500
  • Dans le monument : Plourin, chapelle Saint-Roch

Plourin, chapelle Saint-Roch. Armoirie bûchée (armoirie 1b).

Armoirie bûchée.

  • Attribution : Armoirie bûchée
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Porte d'entrée
  • Support armorié : Cul-de-lampe (culot)
  • Structure actuelle de conservation : Déplacée dans le même monument
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1451-1475 ; 1476-1500
  • Dans le monument : Plourin, chapelle Saint-Roch

Plourin, chapelle Saint-Roch. Armoirie effacée (armoirie 1c).

Armoirie effacée.

  • Attribution : Armoirie effacée
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Façade
  • Emplacement précis : Porte d'entrée
  • Support armorié : Cul-de-lampe (culot)
  • Structure actuelle de conservation : Déplacée dans le même monument
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1451-1475 ; 1476-1500
  • Dans le monument : Plourin, chapelle Saint-Roch

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