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ARmorial Monumental du Moyen-Âge
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Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

 

L’abbaye Saint-Mathieu, en ruines, a depuis longtemps perdu la presque totalité de sa parure héraldique. Les témoins les plus nombreux s’en concentrent au portail d’accès et à la tour à feu. L’église conserve également des éléments intéressants, mais leur mise en contexte est rendue malaisée du fait de l’état de dégradation du monument et de la dispersion des blocs, dont certains sont conservés au musée voisin. L’extrême perturbation des anciennes circulations au sein de l’édifice – l’entrée se fait par l’est depuis la chapelle absidale éventrée – brouille la perception de l’espace architectural et nuit à la compréhension des vestiges.

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu, vue générale des ruines de l’église abbatiale depuis la nef.

Dans la nef, à la septième travée du bas-côté nord, la clé de la porte de communication avec le cloître est sculptée aux deux côtés d’un écusson chargé d’armes en alliance dans un mi-parti (armoirie 1a-b). Brochant sur une crosse, il appartenait à un abbé dont l‘identité est inconnue. Les armoiries d’alliance, devaient probablement se rapporter aux parents de l’abbé : les épées en barre au second quartier font songer aux armes de plusieurs familles bretonnes, comme les Coëtanezre, les Rabaud, les Du Fou puis Landais (Potier de Courcy 1993, t. I, p. 385, 263-264 ; t. II, p. 143, 453), laissant supposer que la mère de l’abbé, du fait du croissant sans doute utilisé en brisure, aurait pu être issue d’une branche cadette de l’une d’elles. Cependant, d’autres lignages au sein du duché portaient des épées en leurs armes et surtout, rien ne permet d’affirmer que l’abbé était d’origine bretonne. La datation des deux écussons n’est pas assurée : la facture est ancienne, du XIVe ou du début du XVe siècle, mais leur insertion sur une porte gothique montée en sous-œuvre de l’ancienne porte romane et mal raccordée aux maçonneries voisines, n’autorise aucune conclusion. On notera cependant que la liste abbatiale est très incomplète pour le XIVe siècle.

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu, mur nord de la chapelle absidale, soubassement du tombeau présumé de Guillaume de Kerlec’h, vers 1470.

Au chevet, la chapelle absidale, très endommagée, est percée d’un enfeu au nord, abritant la façade armoriée d’un tombeau. De l’enfeu, il ne reste qu’un arrachement à vif, de sorte qu’il est impossible de déterminer s’il fut percé d’origine, ou s’il résulte d’une redisposition. Scellé dans l’épaisseur du mur, le bas-relief armorié en kersanton (2,60 m par 0,65 m) est sculpté de cinq pilastres délimitant quatre arcades, sous lesquelles un priant présenté par son saint patron à une Vierge à l’Enfant est encadré d’armoiries (Castel 1995, p. 245) (armoiries 2a-b). Ce relief aurait l’apparence d’être le soubassement du tombeau abrité sous l’enfeu, s’il n’était le témoignage de Potier de Courcy qui signalait « parmi les ruines [] un autel en kersanton » dont la description concordante ne laisse aucune place au doute (Potier 1859, p. 402-403). Le scellement grossier du relief, son rehaussement approximatif, le raccord incertain aux maçonneries coincées de pierres de calage sont les indices d’un remontage moderne destiné à préserver et présenter sous l’enfeu un ensemble lapidaire dispersé, appartenant à un tombeau démembré. Il faut sans doute y reconnaître un autre bas-relief armorié conservé au musée voisin, de facture similaire et orné des mêmes armes, qui aurait pu former un petit côté. Les armoiries sont à l’abbé Guillaume de Kerlec’h ( vers 1470), abbé en 1430 (Levot 1873, p. 365 ; Torchet 2010, p. 214), dont la famille blasonnait fascé d’or et de gueules de six pièces, au lambel à trois pendants d’azur brochant (Potier de Courcy 1993, p. 104) (armoiries 2a-b). Le relief pourrait cependant ne pas s’être rapporté au tombeau de Guillaume de Kerlec’h lui-même, mais à l’un de deux abbés homonymes du XIVe siècle, ses ancêtres, dans l’éventualité improbable, mais qui ne saurait être écartée, d’une commande mémorielle pour leurs tombeaux. La sépulture de l’un de ces abbés était attestée sous la première arcade du chœur au sud (voir ci-après).

Dans la chapelle nord du chœur, un enfeu porte deux écus frustes à ses pilastres (armoiries 3-4). Des reprises au mur et l’examen des formes (bases flacon, chapiteaux) signalent un aménagement tardif, vers la fin du XVe siècle. Les seigneurs dont il dépendait ne sont pas identifiés, mais ce n’étaient pas les Kermorvan, qui tenaient prohibitivement la chapelle au sud (Mengant 1923, p. 27-28), détruite, non plus que les Du Chastel, dont les prééminences sont connues.

En raison d’une intéressante tradition les concernant, il faut citer pour mémoire les armes de l’abbé Cosimo Ruggieri (armoirie 5), mitrées, crossées et frappées du millésime de 1614, scellées au-dessus de la baie de l’un des pignons du bas-côté sud de la nef, à l’extérieur, et qui auraient été sculptées également dans le chœur (Urscheller 1892, p. 54). Il a été écrit qu’elles furent martelées après son trépas, survenu en état d’apostasie (Levot 1873, p. 368-369 ; Urscheller 1892, p. 54). Bien qu’invérifiable, cette hypothèse est vraisemblable, en raison de l’effacement étonnamment soigné des armoiries à la surface de l’écu, sans atteinte aux ornements ecclésiastiques, alors que d’autres pierres armoriées, plus accessibles aux burins, sont demeurées intactes.

Outre les vestiges armoriés qui précèdent, la liste des éléments armoriés disparus mais documentés au hasard des textes, est malheureusement conséquente. Les prééminences des seigneurs du Chastel dans les fenêtres hautes du choeur, connues par plusieurs mentions d’archives, méritent un développement dédié. Parmi les ruines, il ne reste rien des sépultures évoquées par Dom Le Tort, en 1681, qui remarquait « soit dans les chapelles, soit dans l’église, ça et là, d’autres tombes ornées d’armoiries, quelques unes de personnes nobles, le plus grand nombre de moines ; quelques unes s’élèvent au-dessus de terre, les autres sont au niveau du sol ». Il relevait notamment « auprès du grand autel, du côté de l’épître, un grand et beau tombeau couvert d’une plaque de cuivre, où est gravée la figure d’un abbé, et, d’après les armoiries, il est démontré que c’est un abbé de Kerlec’h » (Levot 1873, p. 377-378) (armoirie 6). Ce tombeau n’existe plus mais son emplacement sous la première arcade du chœur au sud, la tête à l’ouest, est connu grâce à un plan de 1775 (Sallé 2020). Les listes abbatiales n’étant pas certaines, trois membres de la famille de Kerlec’h, tous prénommés Guillaume, auraient occupé le siège abbatial de Saint-Mathieu au Moyen Âge : un premier est documenté en 1315 et 1332 (Torchet 2010, p. 214), un second serait attesté en 1380, 1390 et mort vers 1400 (Levot 1873, p. 364), le troisième est signalé depuis au moins 1430 jusqu’après 1462. La description du gisant couvert d’une plaque de cuivre trahissant un certain archaïsme, signale qu’il appartenait à l’un des deux premiers abbés du XIVe siècle.

Pol Potier de Courcy observait encore en 1859 une pierre, aujourd’hui disparue, ornée d’un « écu surmonté d’une crosse en pal et chargé d’une bande accompagnée de deux lions » (armoirie 7) (Potier de Courcy 1859, p. 403). Ces armes appartenaient à Claude Dodieu d’Espercieu (Pendergrass 2021), abbé commendataire de Saint-Mathieu vers 1552-1558, que l’historiographie bretonne confond parfois avec son cousin Claude Dodieu de Vély, évêque de Rennes de 1541 à 1558, et diplomate influent.

Est aussi manquante « cette clé de voûte d’un enfeu dans le collatéral nord », portant un écu « à une face surmontée et soutenue d’un lézard » (Potier de Courcy 1859, p. 403) aux armes des Fontenay, famille de la petite noblesse locale, sieurs de Kerambosquer en Plougonvelin, qui blasonnaient d’argent à la fasce d’azur accompagnée de deux dauphins de même (Potier de Courcy 1993, p. 393) (armoirie 8). Enfin, la mention suspecte d’une clé de voûte aux armes de l’abbé Louis de Menou (1658-1701), déjà introuvable en 1859, pourrait se rapporter plutôt à une plaque armoriée rescellée en 2001 au fronton du portail de l’abbaye (Potier de Courcy 1859, p. 402).

Auteur : Paul-François Broucke

Pour citer cet article

Paul-François Broucke, Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église), https://armma.saprat.fr/monument/plougonvelin-abbaye-de-saint-mathieu-eglise/, consulté le 29/03/2024.

 

Bibliographie sources

Nantes, AdLA, B 1059, fos 287-288, aveu par Louise de Penancoat de Keroual pour la baronnie de Trémazan, avec mention de prééminences dans l’abbaye de Saint-Mathieu, 1684.

Paris, BnF, ms. Lat. 11 821, fol. 124, Matériaux du Monasticon Gallicanum de Dom Germain, fol. 124.

Paris, AN, N. III Finistère 3/5, Nicolas Choquet de Lindu, Plan-projet pour l’abbaye Saint-Mathieu, 1775.

Paris, Musée de la Marine, R 1629076, PH 7700, Profil de Saint-Mathieu Fine-de-Terre par le sr de Belle Veüe Dumains, 1691.

Saint-Renan, Musée du Ponant, fonds du docteur Dujardin, copie manuscrite d’un procès-verbal de prise de possession des prééminences de la baronnie de Trémazan en 1715, n. d.

Bibliographie études

Bonnet, Philippe, Rioult, Jean-Jacques, Bretagne gothique, Paris 2010, p. 407-417.

Broucke, Paul-François, « Ruines abbatiales, ruines armoriées. Nouveau regard sur l’héraldique monumentale à Saint-Mathieu », 25 ans de recherches à l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre, actes du colloque (Plougonvelin 2019), 2020, à paraître.

Castel, Yves-Pascal, « L’abbaye Saint-Mathieu revisitée. Regard neuf sur les ruines de l’abbatiale », Saint-Mathieu-de-Fine-Terre à travers les âges, actes du colloque (Brest-Plougonvelin 1994), Brest 1995, p. 237-250.

Chevillotte, Yves, « Cosme de Roger (Cosimo Ruggieri), abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Mathieu (1585-1615) », Bulletin de l’association Histoires et choses d’autrefois à Plougonvelin, 14, 1996.

Chevillotte Yves, « Recueil de textes sur l’abbaye de Saint-Mathieu-de-Fin-de-Terre », Bulletin de l’association Histoires et choses d’autrefois à Plougonvelin, 21, 1997.

Gallet, Yves, « Pointe Saint-Mathieu, abbaye de Saint-Mathieu. Les campagnes de construction des XIIIe et XIVe siècles », Congrès archéologique de France, 165e session, Finistère, Paris 2009, p. 209-228.

Gallet, Yves, « La place du chevet de Saint-Mathieu dans l’architecture gothique », 25 ans de recherches à l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre, actes du colloque (Plougonvelin 2019), 2020, à paraître.

Levot, Prosper, « L’abbaye de Saint-Mathieu de Fine-Terre ou de Saint-Mathieu », Bulletin de la Société académique de Brest, t. VIII, 1872-1873, rééd. 1985.

Mauguin, Michel, Broucke, Paul-François, L’armorial de l’ancienne grande paroisse de Plougonvelin, comprenant Le Conquet, Lochrist et Saint-Mathieu, Brest 2003.

Mengant, François (abbé), « Archives du château de Kerjean-Mol. Prééminences des seigneurs de Kermorvan à Saint-Mathieu, Plougonvelin, Trébabu et Notre-Dame-du-Val », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 50, 1923, p. 24-48.

Pendergrass, Jan, Lettres et documents de Claude Dodieu, 1527-1557. Projet d’édition, URL : https://www.rom.uga.edu/sites/default/files/inline-files/Pendergrass%20-%20Work%20in%20progress.pdf (cons. le 15 août 2021).

Potier de Courcy, Pol, « Itinéraire de Saint-Pol à Brest », Revue de Bretagne et Vendée, t. VI, 2, 1859, p. 401-403.

Sallé, Pierre-Marie, « Un dernier plan pour Saint-Mathieu de Fine-Terre : le projet de 1775 », 25 ans de recherches à l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre, actes du colloque (Plougonvelin 2019), 2020, à paraître.

Urscheller, Henri, À travers la Bretagne. La pointe Saint-Mathieu…, Brest 1892.

Photographies du monument

Armoiries répertoriées dans ce monument

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie inconnue d’un abbé (armoirie 1a-b).

Mi-parti, au 1 : de… à une aigle de … ; au 2 : de… à deux épées en barre pointes en bas de…, surmontées d’un petit meuble (croissant ?) de…

Timbre : une crosse.

  • Attribution : Abbé inconnu
  • Position : Intérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Cloître ; Nef
  • Emplacement précis : Mur nord
  • Support armorié : Clef de la porte
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre ; Sculpture en pierre
  • Période : 1326-1350 ; 1351-1375 ; 1376-1400 ; 1401-1425
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie de Kerlec’h (armoirie 2a-b).

Fascé d'(or) et de (gueules) de six pièces, au lambel d'(azur) brochant.

Timbre : une crosse.

Supports : deux anges.

  • Attribution : Kerlec'h Guillaume de
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Abside
  • Emplacement précis : Mur nord
  • Support armorié : Monument funéraire ; Soubassement de tombeau
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre ; Sculpture en pierre
  • Période : 1451-1475 ; 1476-1500
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie martelée (armoirie 3).

De … .

  • Attribution : Armoirie bûchée
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale nord
  • Emplacement précis : Enfeu
  • Support armorié : pinacle
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1451-1475 ; 1476-1500 ; 1501-1525
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie martelée (armoirie 4)

De… à … .

  • Attribution : Armoirie bûchée
  • Position : Intérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Chapelle latérale nord
  • Emplacement précis : Enfeu
  • Support armorié : pinacle
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1476-1500 ; 1501-1525 ; 1526-1550
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie martelée de Cosimo Ruggieri (armoirie 5)

Armoirie martelée.

  • Attribution : Ruggieri Cosimo ; Armoirie bûchée
  • Position : Extérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Bas-côté sud
  • Emplacement précis : Côté sud
  • Support armorié : Fronton
  • Structure actuelle de conservation : In situ
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1601-1700
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie de Kerlec’h (armoirie 6)

Fascé d’or et de gueules de six pièces, au lambel d’azur.

  • Attribution : de Kerlec'h Guillaume
  • Position : Intérieur
  • Pièce / Partie de l'édifice : Chœur
  • Emplacement précis : Côté sud ; travée Ière
  • Support armorié : Gisant ; Monument funéraire
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Inconnue
  • Période : 1301-1325 ; 1326-1350 ; 1351-1375 ; 1376-1400
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église), armoirie de Claude Dodieu d’Espercieu (armoirie 7)

D'(azur) à la bande d'(argent) accompagnée de deux lions de (même).

  • Attribution : Dodieu d'Espercieu Claude
  • Position : Inconnue
  • Pièce / Partie de l'édifice : Inconnue
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Inconnu
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Technique : Relief en pierre
  • Période : 1551-1600
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

Plougonvelin, abbaye Saint-Mathieu (église). Armoirie Fontenay (armoirie 8)

D’argent à la fasce d’azur accompagnée de deux dauphins de même.

  • Attribution : Fontenay famille
  • Position : Intérieur
  • Étage : Rez-de-chaussée
  • Pièce / Partie de l'édifice : Bas-côté nord
  • Emplacement précis : Inconnu
  • Support armorié : Clef de voûte
  • Structure actuelle de conservation : Pièce disparue
  • Période : Datation inconnue
  • Dans le monument : Plougonvelin, abbaye de Saint-Mathieu (église)

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